samedi 18 décembre 2010

Constitution Québécoise

Le gouvernement fédéral n'aurait pas objection à ce que le Québec adopte sa propre constitution, en autant qu'elle se conforme à la constitution canadienne. En 2007, le Parti québécois avait d'ailleurs proposé l'adoption d'une constitution québécoise, mais le gouvernement Charest s'était opposé à son étude à l'Assemblée nationale. Croyez-vous que le Québec aurait avantage à se doter d'une constitution à l'intérieur de la fédération canadienne ?

Faites-nous part de votre opinion à forum@lapresse.ca. Les commentaires signés seront publiés sur Cyberpresse et/ou dans La Presse.


Je me suis livré à l'exercice. Voici mon commentaire:

La constitution d'un État est la loi fondamentale sur les valeurs, les principes et la structure qui font la particularité juridique de ce peuple dans l'ensemble des nations. Mais quelle portée aurait cette démarche dans le cadre fédéral? La comparaison avec nos frères Américains est évocatrice. La constitution centrale de l'État fédéral impose sans discrimination sa loi sur les États fédérés. Donc, constitutionnaliser la primauté du français ou la laïcité de ses institutions n'empêcherait pas le Québec d'être soumis à un jugement défavorable de la Cour Suprême. Nous connaissons bien peu la constitution au delà du coup fourré de l'intégration de la Charte des droits et libertés. Mais c'était là un bien gros morceau qui a signalé la fin de la reconnaissance des deux peuples fondateurs au profit de la fragmentaire idéologie multiculturaliste. Le véritable scandale de la Constitution Canadienne est que depuis la Proclamation Royale de 1763 jusqu'au rapatriement de la constitution en 1982, jamais le peuple n'a été consulté dans la démarche constitutionnelle jamais n'a-t-il pu s'exprimer par voie référendaire la modification du texte constitutionnelle. Souhaitons que le Parti Québécois ose s'élever dans les plus hauts standards démocratiques mais à mon avis, s'il veut stimuler un véritable engouement, il devrait lancer le débat entre république et monarchie.

dimanche 12 décembre 2010

Résolutions 82 et 83 (de 92)

Des 92 résolutions déposées par le Parti Patriote en 1834, la 82e est drôlement d'actualité. Elle va comme suit:

82. Résolu, - Que c'est l'opinion de ce comité, que depuis le commencement de la présente session, un grand nombre de requêtes relatives à l'infinie variété de sujets qui tiennent à l'utilité publique, ont été présentées; plusieurs messages et communications importantes, reçues de la part du gouvernement de Sa Majesté en Angleterre, et de la part du gouvernement provincial de Sa Majesté; plusieurs bills ont été introduits dans cette chambre, et plusieurs enquêtes importantes ordonnées par elle, dans plusieurs desquelles le gouverneur en chef se trouve personnellement et profondément impliqué; lesquelles requêtes de nos constituants, le peuple de toutes les parties de la province; lesquelles messages du gouvernement de Sa Majesté et du gouvernement provincial, lesquels bills déjà introduits ou qui l'auraient été ci-après, lesquelles enquêtes commencées pour être continuées avec diligence, peuvent et doivent nécessiter la présence de nombre de témoins, la production du nombre d'écrits, l'emploi de nombre d'écrivains, messagers, assistants, impressions, déboursés inévitables et journaliers, formant les dépenses contingentes de cette chambre.

83. Résolu, - Que c'est l'opinion de ce comité, que depuis l'année 1792, jusqu'à la présente, des avances de cette nature, en conformité à ce qui se pratique dans la chambre des communes, ont été constamment faites sur des adresses semblables à celle que la chambre d'assemblée a présentée cette année au gouverneur en chef; qu'une telle adresse est le vote de crédit le plus inviolable quelle puisse donner, et que la presque totalité d'une somme de plus de 277,000 livres a été avancée sur de tels votes de crédit par les prédécesseurs de son excellence le gouverneur en chef et par lui-même, comme il le reconnaît par son message du dix-huit Janvier 1834, sans qu'il y ait jamais eu de risque à l'accorder pour aucun autre gouverneur, quoique plusieurs aient été impliquées dans les difficultés violentes et injustes de leur part, contre la chambre d'assemblée, et sans qu'ils aient appréhendé qu'un parlement prochain ne fût pas disposé à faire bon des engagements de la chambre d'assemblée; et que le refus du gouverneur en chef, dans la circonstance actuelle, nuit essentiellement à la dépêche des affaires pour lesquelles le parlement a été convoqué est contraire aux droits et à l'honneur de cette chambre, et est un nouveau grief contre l'administration actuelle de cette province.

(source)

Pourquoi se rappel? Parce que le Parlement dirigé par Louis-Joseph Papineau réclamait tous les pouvoirs et immunités du parlementarisme britannique afin qu'il puisse mener à bien les enquêtes sur les affaires qui concernaient le peuple du Bas-Canada. En effet, la principale motivation des patriotes ne fut pas de lutter pour un pays libre et indépendant, mais bien pour la dignité et la justice qui accompagne l'accomplissement de l'État républicain. Comme l'écrivain Bernard Landry: « Les deux grands peuples dont nous sommes voisins géographiquement ou culturellement, les États-Unis d’Amérique et la France, ont tourné le dos à la monarchie depuis longtemps. Les deux ont agi suivant un puissant souffle démocratique et de modernité, inspirés par ces penseurs lucides et visionnaires que l’on appelait "les Lumières". Leurs régimes portent le beau nom de "République", ce qui veut dire littéralement "la chose publique", contrairement à la monarchie centrée sur une personne sur le choix de laquelle le peuple n’a rien à dire. (source) »

Il est donc normal que le peuple soit actuellement en état de dissidence devant le pouvoir qui s'exerce à l'Assemblée Nationale et l'impression d'être soumis à un népotisme qui n'honore guère les fonctions qui accompagnent les fonctions de chef d'État. Si notre vieux système électoral et parlementaire semble si incohérent devant les clameurs populaires, peut-être a-t-il besoin de son vent de révolution qui va bien au-delà de ce qui se fait par les fonctions exercées par nos élus. Il ne faut pas se contenter de renverser un gouvernement par le processus électoral.

Le peuple s'attend à voir un peu plus de lumière, un peu plus de vérité pour discerner l'injustice dans l'ordre social afin d'en dégager la tumeur à la faveur d'un équilibre social rétabli. Bref, contrairement à ce que prétend le gouvernement libéral actuellement, nous voulons connaître l'état du mal avant de faire des prisonniers. Car les pires crimes qui ont été commis au nom de la justice l'ont été par des États aveugles.

Cette semaine, nous apprenions qu'un des acteurs principaux du scandale dans le milieu de la construction, Tony Accurso et son entreprise Simard-Beaudry, s'est rendu coupable d'une fraude fiscale par Revenu Canada. Or, ce dernier, en plaidant coupable, n'aura pas à affronter le tribunal. Il paiera la rançon monétaire de son crime et subira les pénalités techniques prévues par nos lois. Mais comment cela nous permettra-t-il d'établir si Accurso a fait de l'ingérence dans les décisions publiques? En gardant le silence, le dossier de la construction ne fait que se soumettre à l'obscurantisme qui nourrit le cynisme et le désabusement populaire. Voyons les choses en place, l'enquête publique s'impose.

vendredi 12 novembre 2010

Les mots pour le dire



Voici l'extrait d'un article troublant que j'ai trouvé dans la dernière édition du magazine Trente (novembre 2010). Pour André Noël de La Presse, s'il ne peut mettre sous presse l'existence d'un lien entre le Parti Libéral et la mafia montréalaise, c'est que les avocats du journal ne peuvent garantir que la nature de ses sources anonymes soient crédible, même si elles sont de la police. Que leur faudra-t-il de plus?


Le travail des journalistes d'enquête est un véritable chemin de croix dans les officines du milieu judiciaire. La somme des mises en demeure devient insupportablement étouffante. La vérité a son prix et les médias, comme véhicule de l'information, doivent niveler ce devoir sociétal avec leurs intérêts économiques. Que faire lorsque les entreprises médiatiques ont des intérêts économiques liées avec les dossiers litigieux?


À l'Assemblée Nationale, les libéraux se défendent d'agir dans la légalité. En d'autres mots, leur philosophie d'action est: «tant que ce n'est pas illégal, c'est légal» ou «est légal ce qui n'est pas illégal.» Simple, non? Mais bien des gens plaident depuis longtemps la corruption étatique. Les soupçons deviennent lourds à penser. Comment expliquer le brassage des cartes dans la direction de la mafia de Montréal, l'implication du milieu criminel dans la milieu de la construction et l'«investissement» de 40 milliards par le gouvernement libéral dans le secteur de la construction afin de stimuler «l'économie»? En 2008, le Premier Ministre Charest a scandé les valeurs de l'économie comme programme électoral. De plus en plus, on semble se rendre compte que cette élection précipitée ne semblait avoir été mise en place que pour légitimer l'institutionnalisation d'une corruption étatique.

Pour les détracteurs du Parti Libéral, à la lumière des récentes révélations, la foi en cette corruption politique cogite dans leur imaginaire. Bientôt, comme un poème en état de formulation, ils pourront l'écrire en toute pièce, en toute légitimité et en tout légalité dire : «Le Parti Libéral est corrompu.» Aucun avocat ni aucun tribunal ne pourra alors les faire taire.

vendredi 5 novembre 2010

La leçon de Nelson Mandela

Ça m'a sauté aux yeux. Le hasard fait bien les choses. Je visionné hier soir le film Invictus de Clint Eastwood et plus tôt cette cette semaine, je me suis déplacé pour voir Incendies de Denis Villeneuve. Dans les deux cas, un des thèmes centraux est qu'il faut rompre avec les cycles de haine.


Incendies

Dans le film de Villeneuve, calqué sur la trilogie de Thèbes de Sophocle (Œdipe-roi, Antigone et Œdipe à Colone), le récit se veut une œuvre rédemptrice sur le plan filial mais significative au niveau national. L'histoire d'Œdipe, c'est la fatalité d'un cycle familial condamné à une destiné tragique: Laos, avec la complicité de Jocaste, condamne leur enfant Œdipe à la mort en craignant que ce dernier soit destiné à le renverser. Ce destin lui échappant, il tue son père dans une rencontre fortuite, et le succède sur le trône en épousant la veuve. Lorsqu'il comprendra qu'il a tué son propre père et épousé sa mère, Œdipe se crève les yeux et fuit le royaume et sa mère s'enlève la vie. Les enfants d'Œdipe et de Jocaste vivent à leur tour les répercussions maudites de cette triste lignée alors que les deux frères Polynice et Étérocle s'entretuent à propos de l'héritage du royaume. Il incombera à leur sœur Antigone de braver les lois afin d'offrir guidance et sépulture aux défunts. Sur Antigone repose l'amnistie de ce destin tragique et c'est grâce à elle que l'âme de son père et de ses frères seront en paix.

À la lumière de ce mythe grec, la compréhension du film Incendies est décuplée. Il ne suffit qu'à remplacer les noms et les lieux. On y conçoit également comment la perspective nationale des conflits du moyen orients sont rapportés à un niveau significatif de l'ordre familial et filial.


Invictus

Dans cet extrait du film de Eastwood, Nelson Mandela donne une leçon à son peuple sur la rupture des élans rancuniers qui peuvent s'instituer dans la tradition. Car la ségrégation raciale au profit de la minorité afrikaner ne doit pas simplement se résoudre par un renversement du modèle de l'apartheid. Il faut plutôt rompre avec les cycles de haine. Pour unifier l'Afrique du Sud, Mandela utilise un symbole identitaire, l'équipe de rugby afrikaner les Sprinboks, pour en faire une véritable ligue nationale. La victoire de cette épique à la Coupe du monde sera significative sur le plan de la réconciliation nationale.


Au Québec

L'histoire récente du Québec connaît cette tentation du renversement. En 1981, les militants du Parti Québécois adoptent une proposition visant à abolir les institutions anglaises sur le territoire québécois (et consentent la légitimité d'une action vers la souveraineté politique avec une majorité favorables de députés. En somme, un gouvernement indépendantiste majoritaire aurait pu entamer le processus d'accès à la souveraineté de l'État du Québec jusqu'à ce qu'il en arrive à une déclaration unilatérale d'indépendance. Les militants voulaient donc renouer avec les prémisses de leur parti). Mais René Lévesque n'a jamais cru qu'il fallait faire endurer la minorité anglophone le traitement reçu par les minorités francophones dans le reste du Canada, et parfois même au Québec. Il impose donc le statu quo à ses militants en mettant son siège en jeu. On appellera cet épisode le «Renérendum» (voir les archives de Radio-Canada sur cet épisode).

Aujourd'hui encore, le sort des institutions anglophones est remis en question. Bien qu'économiquement viable grâce à l'appui du gouvernement fédéral ainsi que par de généreux donateurs privés, leur sort est constamment considéré. Que l'université McGill soit reconnu mondialement est une bonne chose, qu'elle participe à l'anglicisation du Québec l'est moins. Mais faut-il réagir pour autant contre elle? Que dire maintenant du MUHC, le méga-centre hospitalier de l'université McGill qui sera probablement mis en place avant même que le CHUM prenne forme? Contrairement à la situation de Mandela en 1995, il n'y avait pas de frontière linguistique à franchir dans le sort de réconciliation des peuples. On pourrait même dire que les sud-africains se sont tous mis à l'anglais par esprit de convenance.

Les différentes situations socio-politiques ne ressemblent aucunement car nos Glorieux du Canadiens de Montréal constituent déjà un objet de fierté nationale, mais comme je l'ai déjà évoqué dans un billet précédent, l'image qu'ils projettent constituent de plus en plus pour les Québécois un symbole d'asservissement au projet canadien. Paradoxalement, les Springboks de l'Afrique du Sud était un équipe issue la minorité colonisatrice alors que l'héritage des Canadiens de Montréal vient de la majorité colonisée. Sommes-nous trop conciliant face à la situation actuelle? Je n'ai pas la réponse à cette question mais il serait improductif de croire que le désir de conciliation et de cohabitation doive sublimer la filiation d'un projet national décomplexé.

Dans ce cas, pourquoi ne pas concevoir des projets unificateurs? La coalition contre la construction de deux méga-hôpitaux proposait la construction d'un seul Méga-CHU qui aurait pu accueillir les chercheurs de McGill et de l'Université de Montréal. De plus, plutôt que de tripoter la loi 101 pour accommoder la minorité anglophone historique, pourquoi ne pas plancher des écoles ouvertes aux minorités, quelles soient anglophones, algonquines ou innus, avec des salles de classes spécifiques à leurs besoins?

Voilà un questionnement qui ne relève pas du calcul comptable. Celui qui osera s'en emparer ne fera pas un travail politique, mais bien messianique.

jeudi 16 septembre 2010

Les Canadians de Montréal


«Le Canada français, culture fatiguée et lasse, traverse depuis longtemps un hiver interminable; chaque fois que le soleil perce le toit de nuages qui lui tient lieu de ciel, ce malade affaibli et désabusé se met à espérer de nouveau le printemps. La culture canadienne française, longtemps agonisante, renaît souvent, puis agonise de nouveau et vit ainsi une existence faite de sursauts et d’affaissements. (Hubert Aquin, «La fatigue culturelle du Canada français»)

La lettre d'un certain Remi Bourget, parue dans Le Devoir, a attiré mon attention. Elle dénonce les «dérives identitaires» de la réaction du député Pierre Curzi lors de son passage à l'émission des Francs Tireurs où il évoquait la possibilité d'une main mise des dirigeants du Canadiens de Montréal sur le symbole identitaire et mobilisateur que constitue la mythique et centenaire équipe de hockey. La main mise serait, selon lui, symbolique et économique.

Économique, parce que la nature de la transaction entre la famille Molson et l'ancien propriétaire Gillett n'a jamais été rendue publique, ce qui mène à toutes les hypothèses conspiratrices. Cependant, la liste d'acheteurs que sont la Compagnie Woodbridge, BCE/Bell, le Fonds de solidarité de la FTQ, Michael Andlauer, Luc Bertrand et Banque Nationale Groupe financier est plutôt intéressante à analyser.

Le monde est petit. Prenons, par exemple, le groupe BCE/Bell. Michael Sabia était président de ce groupe jusqu'à la fin de 2008 alors que la vente de l'entreprise aux mains du groupe Teachers aurait fait en sorte que le siège social de l'entreprise passe de Montréal vers Toronto. Sabia a ensuite remplacé Henri-Paul Rousseau à la tête de la Caisse de dépôt et de placement du Québec, celui-ci ayant quitté avant l'éclosion de la «tempête parfaite» (les mots sont de Rousseau et ont une inquiétante connotation positive) ayant coûté 40 milliards de pertes. Quel est le lien entre Sabia et Rousseau? L'empire Desmarais. Après son départ de la CDPQ et après avoir encaissé sa prime de départ, Rousseau est devenu vice-président du conseil d'administration de la société Power et de la financière Power. De son côté, Sabia a convoqué sa première rencontre avec le Québec inc. dans les bureaux de Power Corporation. Dans la même veine, Luc Bertrand était à la tête de la Bourse de Montréal lorsque celle-ci fut annexée à la Bourse de Toronto. Doit-on s'étonner qu'il soit passé lui aussi à la CDPQ? Le monde est vraiment petit.

Vous voulez un autre étrange cas de collusion entre le milieu sportif et politique? La maison de Jean Charest à North Hatley est louée à Sam Pollock (ancien directeur du CH) pour un «prix d'ami». (lire sur le sujet l'enquête menée par le journal alternatif Le Québécois. Lorsque deux journalistes de l'empire Quebecor ont voulu révéler la nature de cette affaire, ils furent congédié par Luc Lavoie, vice-président de Quebecor et ancien chef de cabinet de Brian Mulroney, l'ancien Premier Ministre du Canada et membre du conseil d'administration de Quebecor pour qui Jean Charest a fait ses premières armes politiques!)

Cependant, Pauline Marois a, en quelque sorte, appuyé Pierre Curzi. Elle n'a pas voulu appuyer la thèse économique, se contentant de situer la controverse à la valeur symbolique du club de hockey professionnel. Pour les éternels sceptiques, cette critique demeure l'objet d'une paranoïa nationaliste. Difficile de s'attaquer à l'apparence d'un symbole.


Ces héros donnent-ils le bon exemple?

Tout d'abord, croyez-vous que les joueurs Québécois préfèrent jouer là où les arénas sont vides alors qu'ici, à Montréal, ils sont béatifiés, vénérés et tout le tralala? Que dire des plus jeunes joueurs, comme Carey Price, qui récoltent les conquêtes au Club Opera, ce qui a d'ailleurs fait les choux gras des mini-caméras de téléphones portables pour ensuite être diffusé sur Youtube. Tant qu'à y être, pourquoi s'obstiner à garder Price alors que Halak fut si soudainement adulé pendant les dernières séries?

Êtes vous fiers de ces héros qui donnent ensuite leur temps aux enfants défavorisés et ceux de l'hôpital Ste-Justine? Car ces gladiateurs rendent un service à la population pour lequel nous leur sommes tous redevables. Cependant, véhiculent-ils un exemple à suivre?

Les joueurs du CH portent sur eux, qu'on le veuille ou non, un rôle social important. Que dire du fait qu'on n'impose pas à ces joueurs l'apprentissage du français? Que dire du fait que le Centre Bell ne diffuse pas de musique locale et que la diffusion du match diffusé à l'intérieur des toilettes proviennent d'une station anglophone?


Le Canada et le club Canadiens

Mais non, il s'agit bêtement de blâmer un certain processus de «dénationalisation tranquille» (dixit Mathieu Bock-Côté). Commençons par ce nom: «Canadiens Habitants», un archaïsme centenaire. Savoir que les Québécois d'aujourd'hui descendent des Canadiens-français d'alors, qui eux-même descendent des «Canayens», puis des habitants Canadiens est devenu en cette ère d'acculturation un privilège réservé à une certaine élite conscientisée. La méprise est, et demeure, évidente.

Et pourtant, il s'agit bel et bien de nous de la même manière que l'unifolié du Canada nous revient historiquement de droit. Saviez-vous que les érables poussent en majorité au Québec? Saviez-vous que la feuille d'érable a précédé la fleur de lys sur nos armoiries familiale et qu'une branche d'érable décorait le drapeau des patriotes de St-Eustache? Saviez-vous que l'hymne national du Canada a d'abord été composé par Calixa Lavallé pour les fêtes de la St-Jean-Baptiste, fête des Canadiens français?

Un drapeau et un hymne national hors des mains des Québécois d'aujourd'hui, s'agit-il d'un complot? Non, dans ces deux cas, il s'agit d'un appropriation afin de combler un vide identitaire Canadian. Trop associé à l'empire Britannique, le gouvernement Canadian s'est emparé de composantes locales pour façonner son identité. C'est ce que nous appelons le «nation building», mais ça, c'est une autre histoire.


Le symbole identitaire

S'agit-il un complot que de refuser de se complaire d'un symbole identitaire dissout dans l'américanité? Les révolutionnaires des années 60 s'y sont refusé. Du moins, ils ont su faire jaillir une culture compensatoire toute aussi puissante pour rivaliser avec la machine culturelle américaine. Les Nordiques ont été une sorte de riposte: présentation en français, hymne national uniquement en français, fleur de lys, etc. Saluons donc leur retour hypothétique.

M. Bourget cite le texte célèbre de Pierre-Elliot Trudeau La nouvelle trahison des clercs afin de juger «le nationalisme ethnique qu'il considérait comme trop émotif, aveuglant, ne laissant aucune place à la raison». Je répond par la propre réplique de Hubert Aquin à Trudeau avec «La fatigue culturelle du Canada français» : «Les peuples sont ontologiquement indéterminés, et cette indétermination est le fondement même de leur liberté. L’histoire à venir d’un groupe humain n’est pas fatale, elle est imprévisible. « Un homme se définit par son projet », a dit Jean-Paul Sartre. Un peuple aussi.» Quel projet désirez-vous, M. Bourget?


Le projet Canadian

À propos des visées du fédéral et de son «nation-building», Hubert Aquin disait: «Seule l’abolition de la culture canadienne-française peut causer l’euphorie fonctionnelle au sein de la Confédération et permettre à celle-ci de se développer « normalement » comme un pouvoir central au-dessus de dix provinces administratives et non plus de deux cultures globalisantes. Cette abolition peut s’accomplir de bien des façons qui ne sont pas sans tolérer la survivance de certains stéréotypes culturels canadiens-français

«Le Canada français est en état de fatigue culturelle et, parce qu’il est invariablement fatigué, il devient fatigant. C’est un cercle vicieux. Il serait, sans aucun doute, beaucoup plus reposant de cesser d’exister en tant que culture spécifique [...].» Étant donné cette considération dangereusement d'actualité, il n'est pas étonnant que certains aient parlé de courage à propos de la réaction improvisée de Pierre Curzi. La promotion des valeurs nationales frôlent parfois l'émasculation. Pas étonnant, que de l'autre côté de la clôture, on se fout bien de la gueule à Marois et Curzi.


Des revendications trop «ethnicisantes»?

Les Québécois sont-ils «ethniques»? Par paresse intellectuelle, je laisse Aquin répondre : «II n’y a plus d’ethnies, ou alors fort peu. Les déplacements de population, l’immigration, les assimilations (que Jacques Henripin qualifie justement de « transferts linguistiques ») ont produit une interpénétration des ethnies dont un des résultats incontestables, au Canada français par exemple, est le regroupement non plus selon le principe de l’origine ethnique (la race, comme on disait encore il y a vingt-cinq ans) mais selon l’appartenance à un groupe culturel homogène dont la seule spécificité vérifiable se trouve au niveau linguistique. II suffit de regarder autour de soi, parmi les gens qu’on connaît, pour dénombrer rapidement le nombre de Canadiens français pure laine : ils ne sont pas les seuls « vrais » Canadiens français ! Les Mackay, les Johnson, les Elliott, les Aquin, les Molinari, les O’Harley, les Spénart, les Esposito, les Globenski, etc., en disent long sur l’ethnie-nation canadienne-française. Les « transferts linguistiques », dont parle Henripin, se sont accomplis à notre profit comme à nos dépens, si bien que le noyau de colons immigrés qui a fait la survivance se trouve mêlé désormais, sur le plan ethnique, à tous les apports que l’immigration ou les hasards de l’amour ont donnés à notre pureté ethnique nationale. De fait, il n’y a plus de nation canadienne-française mais un groupe culturel-linguistique homogène par la langue.»


Conclusion: Décloisonnons-nous et revendiquons une juste place aux joueurs Québécois

Bref, rien ne dit qu'il y a complot. Pour qu'il y en ait un, il faudrait que la collusion d'affaire entre le milieu politique et le milieu économique puisse influencer sur la valeur symbolique de cette équipe de hockey. Mais s'il y a un crime à dénoncer, c'est bien celui de la complaisance. La dérive de certains possédants au nom de l'hégémonie d'une culture sportive américaine provoque la dissolution d'un héritage identitaire qui est venu à nous par l'épreuve de l'histoire. Pour en connaître davantage sur le sujet, je vous invite à lire la chronique de Réjean Tremblay qu'il a écrit après l'acquisition du CH par les frères Molson.

Et je laisse une dernière fois la parole à Aquin en guise de conclusion: «Mais pourquoi faut-il que les Canadiens français soient meilleurs ? Pourquoi doivent-ils « percer » pour justifier leur existence ? Cette exhortation à la supériorité individuelle est présentée comme un défi inévitable qu’il faut relever. Mais ne l’oublions pas, le culte du défi ne se conçoit pas sinon en fonction d’un obstacle, d’un handicap initial, et peut se ramener, en dernière analyse, à une épreuve de force à laquelle est soumis chaque individu. L’exploit seul nous valorise et, selon cette exigence précise, il faut convenir que Maurice Richard a mieux réussi que nos politiciens fédéraux. Nous avons l’esprit sportif sur le plan national et comme nous rêvons de fabriquer des héros plutôt qu’un État, nous nous efforçons de gagner individuellement des luttes collectives. Si le défi individuel que chaque Canadien français tente en vain de relever dépend de la position du groupe canadien-français considéré comme totalité, pourquoi faut-il relever ce défi collectif comme s’il était individuel ? Ne serait-il pas plus logique de répondre collectivement à une compétition collective et de conjurer globalement une menace globale, inhérente à la situation du Canada français par rapport à son partenaire fédéral anglophone ?»

PS: À moins que vous ne vous soyez soustrait à tout questionnement sur la situation actuelle de cette équipe gérée par l'omertà de l'organisation du club Canadiens, je vous invite à lire le livre de Bob Sirois «Le Québec mis en échec». Selon l'auteur, la discrimination des Québécois ou des francophones dans la LNH n'est pas qu'un phénomène local.




jeudi 26 août 2010

Résumé de la Commission Bastarache


Un ancien libéral revient sur son passage en politique dans un gouvernement libéral, accusant au passage le Premier Ministre actuel et d'alors de trafic d'influence avec des collecteurs de fonds libéraux, tout cela dans une commission d'enquête conduite par un juge libéral, des procureurs libéraux et des avocats libéraux.

Les ramifications de cet ancien libéral remontant à une intervention politique dans des jugements criminels lors de l'opération Sharqc et au scandale des commandites. Faut-il s'en étonner? Faut-il s'arracher les cheveux de la tête? Ou faut-il comprendre que l'histoire ne fait que se répéter et que les loups se mangent entre eux quand ils n'ont rien d'autre à se mettre sous la dent?

(image : Jean Faucher)

lundi 23 août 2010

Sordide expérience de l'anodin


Je ne m'attendais vraiment à rien avant d'aller voir la pièce Nous sommes faits (comme des rats) de la troupe les Biches Pensives. L'expérience se révéla surprenante et amusante.

Nous sommes faits, comme dans «nous sommes des faits» c'est à dire des éléments d'expression sociale. Des faits divers toutefois inclassables dans les médias d'information. Le feuillet de présentation remis aux spectateurs évoque justement un tabloïd populaire. Le site de nouvelles de Quebecor media comporte justement les archives des faits divers des dernières années. On y retrouve par ailleurs les cinq nouvelles qui ont inspiré les auteurs (Justin Laramée, Gilles Poulin-Denis, Jean-Philippe Lehoux, Catherine Dorion, Rébéca Déraspe) impliqués dans la rédaction des cinq actes de la pièce. Une telle mise en situation ne pouvait qu'inspirer des histoires sordides et c'est bien l'angle par lequel les interprétations scéniques rendent ces faits divers. Tous ont en commun de présenter un univers naïf et autistique qui se consume lorsque survient l'incident qui les révèlent dans les manchettes. Les personnages mis en scènes sont des âmes sensibles confrontées à un monde complexe les isolant et les emportant même parfois dans cette folie apparente.

Tout d'abord, il y a cette femme nous racontant sa chute du troisième étage de son logement. Puis, il y a cet homme inspiré par son horoscope prometteur poursuivant les signes de sa chance aux Galeries d'Anjou. Ensuite, un homme largué par sa copine et surtout par les Canadien de Montréal vaincus en deuxième ronde des séries contre le Lightning de Tempa Bay en 2004 (douloureuse défaite racontée sur le même ton par Mathieu Simard dans son roman Ça sent la coupe) parcourant depuis Val-d'or un périple en camionnette vers le Centre Bell afin d'éveiller brutalement ses héros endormis dans leurs lauriers. L'histoire suivante concerne un homme trompé par un pourriel et condamné à rembourser la Banque Nationale avec laquelle il a transigé (c'est la seule nouvelle qui a connu un rebondissement. L'homme en question dirige une entreprise «off shore» qui aide des entreprises et des particuliers à faire des placements dans des paradis fiscaux. Il a toutefois eu gain de cause en cour et n'aura pas à rembourser la banque. Comme quoi l'économie néo-libérale continue à faire des heureux.) Enfin, une jeune femme de Saguenay se confie à un être disparu au cimetière avant de tenter de le libérer du sol.

Chacune des histoire est drôle et stimulante, mis à part peut-être la dernière qui détonne par son traitement introspectif. Le décor minimal faits de blocs blancs et d'un grand écran lumineux projettant la lumière blanche de la vérité se compose selon l'humeur du moment et encourage une mobilité de l'espace qui profite aux acteurs (Annie Darisse, Sébastien Leblanc, Dominique Leclerc, Hubert Lemire et Sébastien René) autrement prisonnier du vide de la scène. Saluons donc la chorégraphie originale de Caroline Laurin-Beaucage qui accompagne le monologue de chacun des personnages sans oublier le travail de mise en scène d'Alexia Bürger qui est parvenue malgré tout à assembler ces différentes histoires de manière équitable.

Nous sommes faits (comme des rats) est présenté au Café-Bar de la Cinémathèque québécoise les 19-20-24-25-26-27-31 août ainsi que les 1-2-3-7-8-9-10 septembre 2010.

(article rédigé pour Montrealexpress.ca disponible à l'adresse suivante : http://www.montrealexpress.ca/Culture/Collaborateurs-citoyens-dun-soir/2010-08-23/article-1692211/Sordide-experience-de-lanodin/1)

vendredi 4 juin 2010

La loi 103 et le droit de dissidence

Ainsi, le gouvernement du Parti Libéral du Québec a déposé le projet de loi 103 afin d'officialiser un droit de dissidence monnayable à la loi 101. La loi 101, faut-il le rappeler accordait le privilège à l'État du Québec d'intégrer exclusivement les francophones et les immigrants au système publique francophone tout en concédant à la minorité historique anglophone le droit de conserver son propre réseau d'enseignement. Lors de son dépôt en 1977, René Lévesque a lutté, au sein même de son cabinet, pour préserver ces droits afin de ne pas faire subir aux anglophones ce que les francophones ont subit hors de nos frontières nationales.

Maintenant, certains esprits tordus croient qu'il serait juste et normal de permettre à toute la population d'accéder à ce droit historique des anglophones. Je me demande : à quelle fin? Serait-ce au nom de ce droit de dissidence que s'accorde Lal Khan malik, président de la communauté musulmane ahmadiyya du Canada, rapporté par Le Devoir le 29 mai dernier? Quand cesserons-nous de nous culpabiliser de vouloir être un peuple normal qui veut intégrer ses concitoyens avec dignité comme le font les autres peuples du monde, soit par l'enseignement et la culture? Si certains veulent tant envoyer leurs enfants à l'école anglophone, il existe des provinces voisines et même des États américains voisins où ils peuvent le faire. Après tout, le voyage forme la jeunesse.

Au fond, pour préserver le droit exclusif de l'État québécois d'octroyer un enseignement dans sa langue officielle il n'y a que deux solutions. Employer la clause dérogatoire prévue dans la constitution canadienne qui nous a été imposée, ce qui serait un moindre mal à l'adaptation de cette constitution à notre mesure, compte tenu que tous les fédéralistes persistent à dire que «le fruit n'est pas mûr». Sinon, l'indépendance nationale pour nous libérer définitivement de cette constitution.

mercredi 26 mai 2010

Pourquoi «La maudite machine»?

On m'a demandé pourquoi avoir intitulé ce blogue «La maudite machine». La réponse est toute simple, elle est inspirée d'une chanson du groupe Octobre. À ce propos, le site Québec Info Musique (www.qim.com) indique que :

Cette cellule rock dont le nom même se voulait provocateur, dans le contexte social et politique de l’époque, n’en connut pas moins un départ fulgurant avec la chanson "La maudite machine" qui fut un des premiers hymnes de la jeunesse québécoise contestatrice. Après plus d’un quart de siècle, le propos de ce cri contre-culturel est toujours très actuel. Par dessus tout, Octobre est devenu très rapidement un symbole dans le nouvel univers musical de la décennie soixante-dix. Il incarne un rock en rouge et noir: rouge comme la soif de vivre et noir comme la musique soul. (source : http://www.qim.com/artistes/biographie.asp?artistid=202)

En espérant que cela a pu résoudre certaines interrogations...




J'en profite pour vous remercier des appuis spontanés qui ont été lancé à l'égard de mes billets précédents. J'interviendrai davantage dans les semaines qui suivent. L'actualité est une source inépuisable d'inspiration, mais comme j'ai pour adage que l'opinion tue l'information, je réfléchis à trouver quelque chose de pertinent à écrire lorsque j'aurai le temps de le faire.

lundi 12 avril 2010

Paul Piché, l'artiste muri d'espoir


«J'attends le jour où le Québec sera un pays. Je l'attends comme on attends le printemps,» a déclaré l'auteur d'«Heureux d'un printemps» avant d'entamer son célèbre hymne à l'espoir. Car de l'espoir, le militant indépendantiste en était rempli en cette soirée du 9 avril dernier à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. L'auteur-compositeur était accompagné du bassiste Mario Légaré, du batteur Pierre Hébert, du claviériste Jean-Sébastien Fournier, du guitariste Rick Hayworth et de son fils Léo aux accompagnements de percussion et de guitare.


Dix ans après l'album «Le Voyage», l'artiste a bien muri. Il nourri son oeuvre de chansons accomplies qui témoignent d'une longue digestion des années ingrates (fin 80-début 90). Pour bien se comprendre, disons simplement qu'ils sont nombreux ceux qui n'ont jamais pardonné à Piché d'avoir rasé sa barbe. Mais ceux là font parti d'un public distinct car il y a bien deux Paul Piché : celui qui, avec sa barbe et sa guitare accoustique a inspiré nos chansons de feu de camp et celui qu'on entend à Rock-Détente avec figure bien rasée et beaucoup de synthétiseur. Chacun d'eux a son public et le spectacle n'en a laissé aucun en reste. On a eu droit à «Je lègue à la mer», «Un château de sable» et bien sûr «Sur ma peau», des airs que les nombreuses têtes blanches dans la salle ont chanté debout en tappant des mains pour battre la cadence. Heureusement, il y avait aussi «Mon Joe», «L'escalier», «Y a pas grand chose dans le ciel à soir» et bien sûr «Heureux d'un printemps».


Je dis bien «heureusement» car je suis demeuré marqué (voire traumatisé) par le passage de Paul Piché en 1995 (ou peut-être même 1996) à l'émission Chabada animée par Gregory Charles. Devant un feu de camp improvisé, le chansonnier était invité à chanter ses vieux airs avec sa guitare. Bafouillant les couplets, il avait dû concéder l'oubli de ses chansons célèbres. Or, ce soir là à la salle Wilfrid-Pelletier, le troubadour a chassé ce mauvais souvenir en se présentant seul sur la scène au retour de l'entracte. S'asseoyant sur un tabouret avec sa guitare, il était heureux «de pouvoir jouer pour une fois du Paul Piché», a-t-il déclaré avec humour en ajoutant que, contrairement à lui, on avait eu le loisir de faire la même chose autour d'un feu de camp. Je me suis alors réconcillié avec le passé.


La voix de l'artiste demeure sa force première. Elle a accompagné la poésie allumée du nouvel opus «Sur ce côté de la terre» dont il a disséminé les compositions dans la soirée. «Je pense à toi», «Arrêtez» étaient tout à fait appréciables. Il y avait aussi «Jean Riant» que Piché a présenté comme l'histoire d'un menteur. «Jean Charest!» s'est écrié un spectateur dans la salle. On l'a tous bien rit. Surtout, peut-être, l'ex-député et vice-président du Parti Québécois Daniel Turp assis près de moi. On souhaite à ce dernier d'être possédé de la même sérénité qui a animé le coeur de Paul Piché ce soir-là. Guidé par l'espoir de jours heureux, Paul Piché n'en démord pas. Ce projet de société qu'il caresse, il le portera tout au long de cette tournée qu'il amorce... jusqu'à la prochaine fois.


(article rédigé pour Montrealexpress.ca disponible à l'adresse suivante : http://www.montrealexpress.ca/article-447803-Paul-Piche-lartiste-muri-despoir.html)

mardi 6 avril 2010

La Fin


La fin du siècle dernier correspondait à la fin d’un millénaire. Les millénaristes orthodoxes en ont appelé au jugement dernier tel qu’il y a mille ans auparavant. La fin apparaît aussi dans l’hégémonie fracturée des idéologies triomphantes. Si le capitalisme s’impose de plus en plus comme doctrine socio-économique, les principes individualistes qu’il véhicule sont proprement postmodernes. Nous sommes épris collectivement et individuellement de l’obsession de la finitude. Une obsession constamment réactualisée tout au long de l’histoire humaine qui s’est définit entre deux certitudes: notre naissance et notre mort éventuelle.


Le texte signé par Alexis Martin et mis en scène par Daniel Brière élabore différents tableaux où les acteurs de la distribution multiplient les incarnations pour contextualiser le concept de la finalité. Un journaliste radiophonique (Daniel Brière) conteste le virage populiste de sa station. Il quitte son poste avec fracas sous les cris de son patron (Michel charrette), qui prendra la nouvelle comme une rupture, pour devenir journaliste scientifique, dernier bastion d’une rigueur que le métier se doit d’incarner. Ce faisant, il quitte son amante (Sharon Ibgui) qui se plaint de l’insensibilité de leurs ébats et dont les réflexions sur la confusion sexuée inspirera un incontournable dialogue philosophique avec un ami Alexis Martin (un rôle récurrent mais toujours rafraîchissant). Ce dernier donnera un exposé sur la cosmogonie selon le philosophe grec Empédocle selon qui la matière forme un tout uni par l’amour et dissout par la haine. Nous assistons aussi à deux scénaristes (Michel Charrette et Sharon Ibgui) pressés par une productrice de cinéma (Marie Brassard) qui cherche à faire le film catastrophe de l’été. Il y a aussi une discussion de taverne où Daniel Brière parle d’un pilote de brousse qui chasse l’angoisse de l’écrasement de son avion en se prétendant prématurément mort. Brière revient sous la forme d’un personnage aux allures du patriote d’Henri Julien, présenté par Marie Brassard comme le visage archaïque du Québécois. Le vestige d’une identité nationale.


Tout au long de la pièce, une boue tombe et se répand sur une grande table ronde au centre de la scène. Cette «Schnoute» ainsi décrite dans le programme de la pièce est présentée comme une recette originale préparée pour l’occasion (la recette y est même indiquée!). Cette matière informe, métaphore du monde en éclatement, est emblématique de sa décomposition. Un monde en vue d’être transformé car la finalité des choses s’inscrit dans une dynamique de renouvellement perpétuel.


La mise en scène est dynamique et stimulante. Son traitement tangue entre le discours intellectualiste et le traitement dérisoire. Un habile dosage qui permet au spectateur de ne pas succomber lui-même à l’angoisse de la fin. Il serait même plutôt tenté d’en redemander.


«La Fin» est présentée à l’Espace Libre jusqu’au 24 avril.


(texte rédigé pour le site Montrealexpress.ca disponible à l'adresse suivante : http://www.montrealexpress.ca/article-446199-La-Fin.html)

samedi 6 mars 2010

Artères Parallèles

Du 3 au 20 mars, au Théâtre Prospero, est présenté Artères Parallèles d'après un texte d'Annick Lefebvre et mise en scène par Maude Gareau. La pièce d'une durée de deux heures sans entracte raconte la difficile existence de deux personnages, Laurent (interprété par Mathieu Lepage) et Anne (interprétée par Laetitia Bélanger et Louise Proulx), qui partagent un discours des origines difficilement assumé. Chacun ayant vécu une rupture émotionnelle commune qu'ils ont colmaté avec un imaginaire morcellé qui se voulait le complément de la perte d'un être cher. Pour Laurent, il s'agit de son père, Philipe, que la mort a saisi alors qu'il n'était qu'un enfant alors que, pour Anne, c'était l'homme dont elle était amoureuse malgré qu'il ait fait sa vie dans les bras d'une autre femme. Anne ne l'a jamais accepté. Pour combler cette disparition, elle a accouché l'illusion d'Estelle qui a bercé la filiation de cet amour regretté et qui, par extension, devint pour Laurent une soeur imaginaire.


Louise Proulx assume le rôle d'Anne, une dame agée affligée par la démence que guette l'alzeihmer. Elle réanime les souvenirs corrompus par ce refus fondateur dans lesquels Laetitia Bélanger incarne la figure référentielle des épisodes hachurés de sa jeunesse, entrecoupés des scènes de Laurent (Mathieu Lepage) qui, à la différence d'Anne, évolue sous nos yeux dans une chronologie saisissable.


Les personnages évoluent dans un décor commun meublé d'une multitude d'artifices qui se prètent aux différentes scènes. On pourrait reprocher la surcharge de certains éléments qui se veulent une béquille symbolique au texte. Je pense, entre autre, à ce noeud de chaînes dominant l'espace scénique que les personnages dénouent au fur et à mesure de l'évolution de la pièce. La musique meuble parfois efficacement le contexte lorsqu'elle n'est pas simplement esthétique. Pour ce qui est de l'apparente déconstruction de l'histoire, la conclusion a le mérite de résorber toute cumulation de confusion. Heureusement, la ponctuation d'un humour circonstanciel permet de tempérer la lourdeur du tragique. On sort du Prospero la conscience tranquile. Artères Parallèles est stimulant intellectuellement et mérite d'être applaudit pour sa créativité et son audace.


(texte rédigé pour Montealexpress.ca disponible à l'adresse suivante: http://www.montrealexpress.ca/article-437599-Arteres-Paralleles.html)

dimanche 21 février 2010

L'Autre Saint-Jean, édition 2010. Commetra-t-on les mêmes erreurs?


En tant que citoyen de l'arrondissement Rosemeont-Petite-Patrie. Je prends la peine d'écrire mon espoir de voir notre Fête Nationale célébrée comme il se doit cette année. Les déboires médiatiques entourant la mise en place de l'événement «L'Autre St-Jean» et la présence d'artistes anglophones de Montréal. Comme dans toutes dérives médiatiques, les mots ont été très durs. On a même parlé de «bilinguiser» notre fête nationale. Étant donné la décision de renouveler l'expérience cette année, j'espère que certaines valeurs seront respectées quant à la façon de nous célébrer.

Or, je ne crois pas que c'est une question de «bilinguiser» quoi que ce soit mais bien de cerner les valeurs à célébrer. On peut très bien avoir un Festival des Voix d'Amérique pour faire valoir les valeurs partagées entre une culture francophone et anglophone du continent nord-américain et, pourquoi pas, la présence massive d'une culture latine issue de l'Amérique du Sud.

Mais on se tue depuis 1834 (littéralement) à faire valoir notre culture nationale intégrante et intégrée dans le paysage Québécois. Le jour de notre fête nationale, on ne fête pas n'importe quoi. Et on ne chante pas n'importe quoi non plus.

J'avais la même opinion face à la commémoration de la bataille des plaines d'Abraham avec une reconstitution guerrière : elle aurait bien pu se faire un autre jour dans un cadre ludique. Les détracteurs avaient bien raison de dire que ce genre de chose s'était réalisé ailleurs. Mais le jour même de cette commémoration est un espace de réminiscence solennelle. Un devoir de mémoire et de respect. Il y a des événements qui servent à remettre les pendules à l'heure. Et notre Fête Nationale est la pionnière de cette mission.

Les mots de Mario Beaulieu méritent d'être réactualisés. Rien n'empêche de souligner la contribution culturelle de tous les peuples venus enrichir notre patrie - les patriotes n'étaient-ils pas constitués d'une union plurielle -, mais la réalité socio-culturelle confirme notre mollesse collective face à l'Histoire. En 1834, c'était également l'année des 92 résolutions des élus du Parti Patriote, avec les conséquences que l'on connait. Les rébellions de 1837-1838. Pour certains d'entre nous, le rêve républicain demeure bien réel et la déclaration d'indépendance d'alors rédigée par Robert Nelson répondait à une réalité antérieure. Soulignons, entre autre chose, la formation d'un Bas-Canada bilingue.

Nous n'en sommes plus là. Lors des balbutiements du Mouvement Souveraineté-Association (MSA), René Lévesque avait parcouru le Canada pour exposer aux minorités francophones la nécessité de créer un État francophone qui agirait comme repère identitaire, un peu comme les juifs qui ont bercé le rêve d'Israël pendant presque deux millénaires (c'est fou comme j'ai peur de subir l'affaire Michaud quand je fais de tels comparatifs).

J'en profite pour déplorer une anecdote malheureuse. J'ai «osé» dénoncer les propos d'un membre de Lake of Stew qui a déversé son fiel sur la mémoire de René Lévesque lors d'une entrevue avec Bang Bang en plus de déclarer que la nationalisme Québécois était mort (pourquoi voulait-il fêter la fête nationale dans ce cas?). J'ai aussi déploré la présence massive de policiers, de clôtures et de gardiens de sécurité qui m'avaient empêcher d'apporter mon drapeau sur le site. J'ai dénoncer cela sur la page Facebook du maire François Croteau que j'ai supporté et que je supporte toujours depuis la campagne électorale dans le quartier Rosemont Petite-Patrie. Résultat: il m'a bloqué!

Il n'y a rien de pire que le sectarisme quand il se produit entre nous.

Mise à jour : M. Croteau a communiqué avec moi pour m'indiquer qu'il accuse une certaine paranoïa face à aux commentaires qui se retrouvent sous ses publications sur le site de Facebook. Suivant l'histoire d'un commentateurs qui a réouvert le «dossier Benoît Labonté» dans un commentaire laissé sur le profil de M. Croteau, celui-ci prend certaines précautions. et il est libre de le faire étant donné que cet espace du Web lui appartiens et il en est responsable.Éviter de voir des journalistes (d'un journal en Lock-out) remuer les braises de la controverse de l'année dernière. sur son dos est tout à fait normal.

Je pardonne.à M. Croteau et je prend la peine d'amender mon texte en conséquence. Ayant pris la peine de communiquer avec moi le motif qui l'a conduit à ce blocage, c'est tout à son honneur. Il faut dire que je n'étais pas tant choqué qu'intrigué par sa réaction car j'ai toujours voulu nuancer ce débat.

Morale de cette histoire : maudits journalistes, que dire, maudits scabs!

Voici, d'ailleurs, son explication de la situation :

« En tant qu’élu municipal, il serait inacceptable de refuser à une OSBL de tenir un événement sur la base idéologique ou partisane. Dans la mesure ou un événement respect les règles prescrites, ce serai antidémocratique de refuser. Ce serait même dangereux pour la liberté de le faire. Cela n’a aucun lien avec une allégeance nationale! Autre précision, ce n’est pas C4 production qui organise cet événement, mais bien une OSBL. Ce n’est pas non plus la société culturelle Louis-Hébert. Il faut également préciser que l’Autre St-Jean n’est pas reconnu par le Mouvement national des Québécois (MNQ). En ce sens, cette fête n’est pas reconnue comme une fête nationale. Il s’agit, comme le nom le dit, une autre St-Jean. Nous avons le droit de le dénoncer et la meilleure façon d’exprimer notre désaccord, outre le dire, c’est de ne pas y participer. Il y aura une fête nationale au parc Molson, et ce, sous l’égide du MNQ. Cette fête sera LA fête nationale dans Rosemont-La-Petite-Patrie. Pour ce qui est des propos de M. Beauregard, j’ai écrit à ce dernier pour expliquer les raisons. Il y a eu, il y a 3 semaines, des personnes ont fait des débats virulents sur mon mûr FB. Ces débats se sont retrouvés en première page du Journal en lock-out. Dans ces circonstances, je fais un excès de zèle sur le contrôle de mon mur, et j’en suis désolé. Depuis ce malheureux événement, j’exerce une excessive prudence qui me rend moi-même inconfortable. Sincèrement désolé pour ceux qui se sentent brimés. Désolé envers M. Beauregard. Mon objectif n’est en aucun cas de censurer le débat, bien au contraire. Pour la suite des choses, continuez à vous exprimer, heureusement, notre démocratie nous le permet. Vivement les débats pour faire avancer notre société, et ce, dans le respect de tout un chacun.»

mercredi 17 février 2010

Jerk, ou le théâtre de la folie meurtrière


«Cette incapacité qu'ont les êtres violents de comprendre leur propre violence ne doit pas surprendre. La violence rend aveugle, elle voile tout d'un profond mystère. L'être violent se consume tout entier dans son action qui ne laisse aucune place au langage et à la mémoire.» (GERVAIS, Bertrand. La ligne brisée: labyrinthe, oubli & violence. Logiques de l'imaginaire)


Nous sommes étudiants dans une classe de psychologie de l’Université de Houston. Dans le cadre d’un enseignement sur la mise en pratique des théories freudiennes, nous avons été conviés à assister à une représentation théâtrale organisée par David Brooks, un prisonnier incarcéré à vie pour sa responsabilité dans le meurtre d’une vingtaine de jeunes hommes de son âge. Habile marionnettiste, doué pour la ventriloquie, David nous raconte son histoire. C’est dans ce contexte que l’auditoire a été invité à participer, d’une certaine manière, à cette expérience théâtrale.


La pièce «Jerk» est une création de Gisèle Vienne, d’après une nouvelle de Dennis Cooper, librement inspirée des événements entourant le meurtrier en série Dean «Candyman» Corll. L’interprétation de cette pièce reposait sur la seule présence de Jonathan Capdevielle qui s’investissait dans le rôle de David Brooks, un des complices de Dean Corll.


Jonathan Capdevielle était assis devant nous sur une chaise modeste avec, à ses pieds, un radio-cassette, un sac et ses marionnettes. On nous distribua ce que je croyais être d’abord le programme de la pièce mais, en réalité, il s’agissait d’un document pour le cours : un fanzine rédigé par la main de David Brooks, qui devait servir de complément à la pièce dont il nous invita à lire un extrait avant de nous introduire dans son univers. Étant un lecteur plutôt lent et facilement distrait, j’avais une certaine difficulté à m’immerger dans le court texte. Cependant, la lecture de la deuxième partie du récit nous a permis de profiter d’un certain répit à la violence qui nous happait de plein fouet. Néanmoins, je pu relire à mon aise le document à tête reposée et remettre en perspective la suite des choses.


Dans une Amérique des années 70 qui fait suite à l’ère des révolutions avortées, des révolutionnaires assassinés ou suicidés, David, jeune adolescent, assistait avec sa caméra à des séances de torture organisées par Dean auxquelles participaient aussi Wayne, un comparse de David. L’étendue des crimes perpétrés ne passait pas seulement par le viol et le meurtre, mais aussi dans le consentement des victimes et la routine meurtrière. Devant l’expérience de l’horreur, nous devions comme spectateur faire l’effort de traverser le mur des représentations pour ressentir le confinement intérieur de la perversion. Si l’expérience a su tirer quelques gloussements de rire, c’était surtout par la situation absurde de voir une marionnette se masturber pendant qu’une autre sodomisait sa victime.


Toute l’efficacité de la pièce reposait sur les deux axes de la représentation que sont l’acteur et le spectateur. L’interprétation de Jonathan Capdevielle était somme toute plus qu’efficace pour ainsi incarner à lui seul le climat angoissant avec une panoplie de médiums. Le fanzine, la musique électronique et expérimentale (une signature de Peter Rehberg), les marionnettes et la voix de Capdevielle agissent pour stimuler l’imaginaire du spectateur. Sur ce dernier point, la performance de Capdevielle est tout à fait remarquable. Il parvient à contextualiser l’ambiance sonore des scènes de torture avec les couteaux qui fendent la chair, les grognements et les gémissements. Mais aussi, sa salive devenait à la fois le sang des abusés et le sperme des meurtriers tout en demeurant immobile sur sa chaise.


En deuxième partie, le récit de David n’était plus que pure représentation mentale par une performance de ventriloquie. L’expérience était à son comble puisqu’elle dépassait l’espace de la représentation désincarnée par une stimulation imaginaire. Pour ma part, j’avais le «motton» et j’ai fait de mauvais rêves.



(article paru sur le site montrealexpress.ca à l'adresse suivante : http://www.montrealexpress.ca/article-432689-Jerk-ou-le-theatre-de-la-folie-meurtriere.html)

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J'ajoute la critique d'Alexandre Cadieux que je trouve complémentaire à la mienne et qui comble certaines nécessités que j'ai du laisser en plan, faute de temps (article paru dans Le Devoir à l'adresse suivante : http://www.ledevoir.com/culture/theatre/283328/theatre-du-sang-plein-les-mains)

Du sang plein les mains

par Alexandre Cadieux


La sordide anecdote suscite l'effroi: le complice emprisonné de deux tueurs en série particulièrement sanguinaires théâtralise son vécu à l'aide de marionnettes. Par-delà l'horreur, le spectacle mis sur pied par la metteure en scène française Gisèle Vienne et interprété par l'impressionnant Jonathan Capdevielle table sur un extraordinaire réseau de sens tissé entre manipulation, représentation, projection et soumission.

Dans le Texas des années 1970, le jeune homosexuel David Brooks a filmé les atrocités commises par les psychopathes Dean Corll et Wayne Henley, petit ami de David. En cette qualité de témoin et d'acteur, il restitue sur scène, sous les traits de Capdevielle, la trame de ces terribles nuits. Son médium n'est pas cinématographique mais marionnettique, et son corps devient sous nos yeux un éprouvant champ de bataille sexuel et meurtrier.

Corll, éloquent et charismatique, tenait sous sa coupe les deux jeunes hommes, usant d'eux à sa guise grâce à d'envoûtantes théories sur la possession des corps et des âmes. L'étrange chaîne que Jerk donne à voir au spectateur est celle d'un comédien interprétant Brooks qui anime une marionnette représentant Dean Corll qui, se saisissant grâce à ses bras de chiffon d'un second pantin figurant sa victime, se met à la faire parler en lui imprimant la personnalité d'une vedette de la télévision. En une formidable démonstration de théâtre pauvre, ces matriochkas démoniaques fascinent et répugnent tout à la fois.

Dans la seconde partie du spectacle, les cadavres de ses poupées à ses pieds, l'acteur change de technique et entame une seconde narration, livrée cette fois en ventriloquie. Le visage soudain aussi inanimé que celui de ses êtres miniatures, Capdevielle balaye la foule d'un regard vide alors que sortent de sa gorge les différentes voix des protagonistes de la cauchemardesque équipée. Encore une fois, ici, qui domine qui? Qui projette quoi?

Soutenu par une bande sonore dont il pourrait facilement se passer, Jonathan Capdevielle fait preuve d'une maîtrise et d'un investissement exemplaires dans ce rôle difficile. Jerk, importé d'Europe par les soins de Jack Udashkin du théâtre La Chapelle, restera gravé dans les mémoires grâce à l'alliage particulièrement percutant de son fond et de sa forme explorant à la fois les tréfonds de l'âme humaine et les ressources de l'art théâtral.

vendredi 5 février 2010

Seulement 40 000?


Un peu avant la période des fêtes, le député de l'Assemblée Nationale dans la circonscription de Chambly, Bertrand St-Arnaud, a employé un des nouveaux outils de la réforme parlementaire de 2009 afin d'offrir aux députés de lancer en ligne une pétition électronique reconnue par l'Assemblée Nationale, l'objectif étant d'offrir des moyens modernes pour augmenter la présence des représentants du peuple dans la sphère publique (l'Assemblée Nationale ne reconnaissait jusque là que les pétitions sur papier). Dès que cet outil fut mis à la disposition des députés, monsieur St-Arnaud a mis en ligne une pétition pour exiger du gouvernement qu'il mette en place une commission d'enquête publique sur la collusion dans le milieu de la construction.

L'une des contraintes qu'impose l'Assemblée Nationale aux pétitions électroniques est une présence limitée par le temps. En effet, au delà une certaine date, la pétition est retirée du site internet de l'Assemblée Nationale. Aujourd'hui, la pétition de monsieur St-Arnaud a été retirée. Les médias l'ont dit d'une même voix : 40 000 signatures est un bien petit nombre compte tenu de l'unanimité des appuis à la tenue de cette commission.

Mais faut-il vraiment s'en étonner? Bien que l'utilisation des médias électronique soit appelé à être utilisé par la plus jeune génération, cette pratique n'est pas généralisée. Il y a 10 ans, on parlait du clavardage comme une pratique marginale. Depuis, les médias se sont joints dans la mêlée mais cela veut-il dire que la population a fait le saut unilatéralement? Non, bien sûr, car il y a encore plus de gens que l'on crois qui ne font pas un usage courant des médias électroniques. J'aurais été surpris d'apprendre que ma grand-mère vieille de 80 ans ait pu être appelée à aller sur internet malgré l'intensité du scandale qui se déroule dans le milieu de la construction.

Dans son dernier livre La Souveraineté du Québec, Jacques Parizeau rappelle qu'il y a 20 ans, le Parti Québécois avait cumulé environ un million de signatures pour obliger le gouvernement de Robert Bourrassa à maintenir sa promesse de tenir un référendum sur l'avenir du Québec selon une recommandation de la commission Bélanger-Campeau. Comment a-t-il pu y arriver? Les militants ont occupé les centres d'achats, les bouches de métro, les perrons d'église et les assemblées citoyennes. Mais aussi, toute la société civile a mis l'épaule à la roue : les syndicats, les étudiants, les retraités et tous les autres groupes citoyens ont participé à cette campagne de signatures.

Or la leçon demeure que la modernité n'a pas tout sacrifié au nom du virtuel. Les 40 000 signatures sont un indice de l'impact du web sur la société civile. Cela prouve que nous ne sommes pas rendu comme peuple des accros exclusif à tout ce qui se déroule sur internet. Il y a encore moyen de cumuler les appuis en faveur de cette commission d'enquête malgré tout. Seulement, il faudra se résoudre à ne pas négliger d'employer des méthodes éprouvées par le passé. Encore faut-il le vouloir vraiment.

jeudi 21 janvier 2010

Le Vent du Nord

Le 20 janvier dernier au Cabaret La Tulipe avait lieu le spectacle du groupe traditionnel Le Vent du Nord mis en scène par Michel Faubert. Le groupe interprétait pour l’occasion des chansons de son dernier opus La Part du Feu et nous saluions avec eux ce retour au pays après avoir parcouru le monde pour présenter des éléments originaux de notre culture nationale.

J’ai connu Nicolas Boulerice entre 2001 et 2002 alors que nous travaillions ensemble au Cabaret du Roy, restaurant d’inspiration de l’époque de la Nouvelle-France situé près du Marché Bonsecours dans le Vieux-Montréal. À titre d’animateur et de musicien, il jouait de cet instrument particulier que constitue la vielle à roue, un instrument vieux de l’époque du Moyen Âge, une sorte de violon mécanique où l’archet est remplacé par une roue de bois actionnée par une manivelle et où les accords se font sur un clavier. Une particularité compte tenu de sa rareté mais néanmoins un instrument tout à fait moderne qui en fait un accompagnateur idéal dans les grands ensembles. J’ai le souvenir d’un soir où Nicolas jouait seul dans la salle à dîner pendant que les clients se dévouaient à leur repas. À leur insu, l’air qu’il jouait s’était métamorphosée en thème inaugural de Star Wars. Personne ne s’en est aperçu. La vielle à roue accomplissait-elle trop candidement son rôle d’accompagnement ou considérait-on le son émis par l’instrument comme étant indistinctement archaïque et exotique? Il n’en demeure qu’on rigolait bien dans les cuisines parce que Nicolas était parvenu à faire du neuf avec du vieux

Dans son tout récent essai La souveraineté du Québec, Jacques Parizeau nous rappelle qu’«il a fallu pas mal de temps pour accepter l’idée que la plus importante de toutes les ressources naturelles, c’est la matière grise de l’ensemble de la population.» Il serait faux de croire que notre génie est monolithique et récent. Il est issu d’un long métissage culturel issu des vieux pays de l’Europe et des peuples fondateurs du Québec. Depuis sa fondation en 2002, Le Vent du Nord perpétue sa mission de faire découvrir des œuvres issues de notre tradition orale ou de notre répertoire traditionnel. Parfois aussi, il compose des œuvres originale : il fait du neuf avec du vieux.

Le Vent du Nord, c’est Simon Beaudry, Olivier Demers, Réjean Brunet et Nicolas Boulerice, des musiciens multi-instrumentistes qui passent entre deux chansons du piano à la mandoline, de la bombarde à la basse ou bien encore de la vielle à roue à l’accordéon (et j’en passe). On se passe le micro et on tape du pied. La mise en scène austère ne plaçait aucun musicien devant les autres et laissait toute la place aux harmonies de groupe. Il faut saluer la qualité sonore impeccable et la langue articulée des chanteurs.

Avoir été un véritable critique musical, j’aurais dit du Vent du Nord qu’il fait du «neo-trad fusion aux tendances progressives» mais ce serait confondre les gens sur leurs attentes. Je m’en tiens à dire que le Vent du Nord fait du neuf avec du vieux. Il n’a rien à envier aux autres genres musicaux et pourrait rejoindre des adeptes de tous horizons qui sauront tendre l’oreille. On pourrait faire un rave avec leurs ambiances instrumentales ou faire un cours d’histoire sur une de leur chanson. J’ai d’ailleurs apprécié entendre le récit des travailleurs du début du siècle dernier qui sont partis aux États-Unis faire fortune et qui n’y sont jamais revenus. Comme le disait Boulerice, «nous serions 14 millions de Québécois aujourd’hui». Mais on s’amuse aussi, et surtout, lorsqu’on entend, entre autre, l’histoire du coquin qui s’est déguisé en curé pour profiter des secrets de la confesse.

En témoignage de leurs rencontres d'outre-mer, un groupe de joueurs de cuivres français s’est joint aux membres du Vent du Nord vers la fin du spectacle le temps d’une chanson. Un beau témoignage de camaraderie pour cette belle soirée qui saurait profiter à tous et surtout à notre héritage culturel!

(article paru sur le site Montrealexpress.ca : http://www.montrealexpress.ca/article-423631-Le-Vent-du-Nord-en-concert.html)

mercredi 6 janvier 2010

Slam Jam Collectif

C'est mercredi, le 16 décembre dernier que se déroulait la deuxième édition du rassemblement multidisciplinaire intitulé Slam Jam Collectif à L'Escalier. Par un tel noroît, il valait mieux prendre foule plutôt que prendre grippe dans l'ambiance animée de ce café populaire du Quartier Latin.
D'emblée, je dois confier n'avoir pas mis les pieds dans ses lieux depuis des années. La dernière fois, l'endroit s'appelait le Café Ludique et on pouvait encore y griller des cigarettes. De beaux souvernirs, certes, mais qui se sont amalgamés au décor et à l'ambiance intemporelle des lieux. Je ne peux que souhaiter à cette institution bohème autant de popularité que le Tops de Tony Accurso, mais sans compromis.

Le slam, exercice poétique habituellement présenté sous forme de joute oratoire, est une appropriation incertaine des duels de rap, du spoken word et des poètes de la beat generation. Mais au Slam Jam Collectif, l'exercice se fait sans se gêner des mêmes règles que le SlaMontréal initié par Ivy, père de l'événement et fondateur de la Ligue Québecoise de Slam. Ici, le Slam se fait a cappela ou avec accompagnement musical, parfois en lecture de texte ou en production spontanée. Ce sont tous les acteurs de la scène littéraire habitant hors des murs de l'institution littéraire qui ont intérêt à se retrouver au Slam Jam Collectif, et ils sont les invités à le faire. Car rien n'empêche de vouloir prendre la scène pour clamer un poème. Il faut avoir tenté l'expérience pour comprendre qu'aucun théoricien socio-constructiviste ne pourra vous convaincre d'un meilleur modèle pédagogique pour donner le goût des mots dans toutes leurs interprétations sonores et linguistiques.

Pour l'occasion, DJ Charles Proulx a installé l'ambiance musicale et accompagna même certains slams. Le slammeur XavIer se chargea de présenter chaque participant, il portait en cette période de grande rencontre internationale à Coppenhague au Danemark un chandail de Greenpeace et s'est même permis un slam sur son engagement pour le végé. Il y eut aussi La Clocharde qui présenta une poésie accompagnée de la joueuse de vielle, Famke. J'ai aussi remarqué la présence de Myriam St-Denis qui s'est prêtée à une lecture de textes et nous nous sommes unanimement accrochés au slam de Grand Slaque sur les «jobs de marde».

Puis, en deuxième partie, le Slam Jam Collectif s'est déroulé à micro ouvert. Des lecteurs étaient venus pour l'occasion tenter l'expérience du micro qui, au risque de me répéter, est une véritable thérapie. Comme nous le fit remarquer un amateur, il fallait saluer l'ouverture à l'expression. On slammait sur la liberté de parole, sur le monde érigé en système, sur les humeurs de l'instant et parfois aussi, un confessionnal métaphorique. Je note au passage la poésie de Saïd la finesse de son expression. Beaucoup d'autres méritent d'être cités mais comme on se marche un peu sur les pieds à L'escalier, le nombre d'auditeur augmentant avec l'heure, on comprend un peu moins bien tout ce qui s'y dit. Et en quelque sorte, on s'en fout. À côté de moi, un bonhomme racontait une histoire en anglais à un employé ressemblant à celle de Benjamin Button. Pourquoi pas? On est là pour rigoler. Lorsque j'ai quitté l'endroit, un joueur de tam-tam s'en donnait à cœur joie : tout y était

(texte paru sur MontréalExpress.ca : http://montrealexpress.ca/article-413714-Slam-Jam-Collectif.html)