mardi 22 janvier 2013

Stratégie de division

Il y a longtemps déjà, j'ai pris acte que le Parti libéral a pris les commandes du gouvernement québécois en canalisant l'opposition. Nous étions en 2003, le slogan électoral «Nous sommes prêts» misait justement sur la protestation contre les décisions gouvernementales du Parti Québécois de Bernard Landry, Lucien Bouchard et Jacques Parizeau. Il fallait comprendre: «Nous sommes prêts à remplacer ce gouvernement.» Deux exemples me viennent à l'esprit qui illustrent leur procédé électoraliste: les fusions municipales et la construction du métro de Laval. À mon souvenir, ces événements ont monopolisé les tribunes médiatiques d'une manière qui devait marquer la portée des enjeux.

 Les maudites fusions!

Les fusions avaient tout pour solliciter l'indignation locale, ce qui ne manqua pas de remuer un mouvement de fond national. Plusieurs intérêts étaient en jeu comme la fiscalité municipale, l'identification à son patelin et même dans certains cas la charte de la langue française qui octroyait le titre de ville bilingue à certaines municipalités. En fait, sur ce dernier point, c'était la raison d'être des fusions municipales. Louise Harel, alors ministre des affaires municipales, voulait donner suite au «une île, une ville» de Pierre Bourque. Son projet visait à consolider les deux univers linguistiques qui divisait Montréal depuis la Conquête.

Qu'on ait été d'accord ou non avec les fusions municipales, les libéraux ont misé sur une forme de sectarisme de patelin pour canaliser la hargne envers le gouvernement Bouchard, et par ricochet le gouvernement Landry. Bref, ils ont exacerbé ce contre quoi luttait Harel. Les anglophones de Montréal, importante et influente masse citoyenne de l'ouest de l'île n'entendait pas, d'une part, perdre leurs municipalités de charte bilingue, selon les critères établis par la célèbre loi de Camille Laurin. D'autre part, des villes comme Westmount n'allaient certainement pas laisser la richesse de leur patrimoine se dissiper au profit d'arrondissements plus pauvres comme Montréal-Nord ou Hochelaga-Maisonneuve.

Cette «communauté» (je crois que cette expression employée à outrance par nos médias n'est pas appropriée) avait le parti pour véhiculer cette ambition de faire retourner en arrière le projet gouvernemental. Résultat? «Un système "bâtard"» selon Louis Bernard. En effectuant les défusions alors même que les fusions n'étaient pas encore complétées, la bureaucratie municipale allait contre le bon sens et l'efficacité (prônée pourtant par le Parti Libéral). De plus, la procédure communautariste qui s'est exercée dans la plus pure idéologie libérale (au sens classique du terme) a fait en sorte que Montréal est devenue ingouvernable pour certains. À mon sens, elle est devenue un gruyère.

Les dépassements de coût!

Source: Radio-Canada
Il est coutume aujourd'hui d'entendre qu'une entreprise ayant gagné un appel d'offre public accuse un dépassement de coût prévu (ce qui rend caduque le principe du plus bas soumissionnaire). Or, il est à mon souvenir une première fois marquante où cela a été soulevé puis dénoncé. Les travaux d'excavations du métro de Laval ont semé la confusion sur la prévision de son coût. Jour après jour, en 2002, Bernard Landry était confronté en scrum à des questions sur les dépassements de coût. Questions difficile à répondre et à argumenter compte tenu qu'aujourd'hui, j'ai moi-même un peu de difficulté à me souvenir quelle était la nature de ce dépassement. Les sources journalistiques sont tout autant difficiles à compiler!

Quoi qu'il en soit, l'excavation aura coûté quelque chose comme 70 millions le kilomètre alors que la norme internationale est de 100 millions. De quoi s'est-on souvenu lors de l'inauguration du métro en 2007? Son principal critique n'avait que de bons mots pour l'opération. En 2003, ça n'avait pas de sens. Il fallait passer du financement public à un mode public-privé afin de rendre les investisseurs partenaires de l'opération. Bien sûr, nous avons bien compris que cette participation nous jetait dans l'ombre d'une stratégie de privatisation avec la bénédiction de l'appareil gouvernemental. Étonnement, aux élections de 2007, contrairement à celle de 2003, il n'était plus question de reprocher au gouvernement péquiste d'avoir attribué le contrat d'excavation par la voie traditionnelle. En 2007, on se félicitait presque d'avoir fait le travail! Tout pour se faire élire, me direz vous...

Le libéralisme comme action politique

Cela nous amène à réfléchir à la pensée politique qui dicte les actions de nos dirigeants, voire de notre société en général. Le libéralisme est une doctrine issue des Lumières. Au XVIIe siècle, on s'était à mis à réfléchir sur le sens de l'État. Il ne fallait plus que l'État dicte les actions des individus, mais bien l'inverse. En d'autres mots, il n'était pas approprié de croire que le souverain ait un droit autoritaire sur les individus. Il fallait la collectivité puisse se définir par elle-même afin que l'État représente ses aspirations. Le mouvement républicain allait conséquemment redéfinir radicalement le sens de l'État: le pouvoir au peuple, par le peuple et pour le peuple. 

Dans un régime républicain, l'identité du peuple s'exprime par sa constitution. Bien que les États-Unis d'Amérique ont un président comme autorité suprême, ses pouvoirs sont autorisé par un contrat social défini par la constitution du pays. Au Québec, on est loin du compte. Nul besoin d'une grande leçon d'histoire pour expliquer que les citoyens canadiens sont les sujets de la couronne britannique. Malgré tout, nous sommes dans un régime de monarchie constitutionnelle comme la Suède, les Pays-bas et la Norvège, c'est-à-dire que malgré la présence d'un souverain au pouvoir absolu.

L'année dernière, en voyage au Pérou, le guide mandaté pour nous faire découvrir les abords de la forêt amazonienne fut étonné de ma réponse lorsqu'il m'a demandé si nous avions un président chez nous. Eux venaient d'élire Ollanta. Nous, lui ais-je dit, avons la reine d'Angleterre comme chef suprême de l'État. De plus, nous n'élisons au suffrage universel ni le premier ministre de la fédération, ni de la province. C'est qu'en fait, ceux-ci sont désignés par les militants de leur parti respectif et c'est l'élection de leurs députés qui décidera de la nomination du premier ministre.

Tout ça pour dire que le libéralisme finit par diviser des solidarités humaines.