jeudi 21 janvier 2010

Le Vent du Nord

Le 20 janvier dernier au Cabaret La Tulipe avait lieu le spectacle du groupe traditionnel Le Vent du Nord mis en scène par Michel Faubert. Le groupe interprétait pour l’occasion des chansons de son dernier opus La Part du Feu et nous saluions avec eux ce retour au pays après avoir parcouru le monde pour présenter des éléments originaux de notre culture nationale.

J’ai connu Nicolas Boulerice entre 2001 et 2002 alors que nous travaillions ensemble au Cabaret du Roy, restaurant d’inspiration de l’époque de la Nouvelle-France situé près du Marché Bonsecours dans le Vieux-Montréal. À titre d’animateur et de musicien, il jouait de cet instrument particulier que constitue la vielle à roue, un instrument vieux de l’époque du Moyen Âge, une sorte de violon mécanique où l’archet est remplacé par une roue de bois actionnée par une manivelle et où les accords se font sur un clavier. Une particularité compte tenu de sa rareté mais néanmoins un instrument tout à fait moderne qui en fait un accompagnateur idéal dans les grands ensembles. J’ai le souvenir d’un soir où Nicolas jouait seul dans la salle à dîner pendant que les clients se dévouaient à leur repas. À leur insu, l’air qu’il jouait s’était métamorphosée en thème inaugural de Star Wars. Personne ne s’en est aperçu. La vielle à roue accomplissait-elle trop candidement son rôle d’accompagnement ou considérait-on le son émis par l’instrument comme étant indistinctement archaïque et exotique? Il n’en demeure qu’on rigolait bien dans les cuisines parce que Nicolas était parvenu à faire du neuf avec du vieux

Dans son tout récent essai La souveraineté du Québec, Jacques Parizeau nous rappelle qu’«il a fallu pas mal de temps pour accepter l’idée que la plus importante de toutes les ressources naturelles, c’est la matière grise de l’ensemble de la population.» Il serait faux de croire que notre génie est monolithique et récent. Il est issu d’un long métissage culturel issu des vieux pays de l’Europe et des peuples fondateurs du Québec. Depuis sa fondation en 2002, Le Vent du Nord perpétue sa mission de faire découvrir des œuvres issues de notre tradition orale ou de notre répertoire traditionnel. Parfois aussi, il compose des œuvres originale : il fait du neuf avec du vieux.

Le Vent du Nord, c’est Simon Beaudry, Olivier Demers, Réjean Brunet et Nicolas Boulerice, des musiciens multi-instrumentistes qui passent entre deux chansons du piano à la mandoline, de la bombarde à la basse ou bien encore de la vielle à roue à l’accordéon (et j’en passe). On se passe le micro et on tape du pied. La mise en scène austère ne plaçait aucun musicien devant les autres et laissait toute la place aux harmonies de groupe. Il faut saluer la qualité sonore impeccable et la langue articulée des chanteurs.

Avoir été un véritable critique musical, j’aurais dit du Vent du Nord qu’il fait du «neo-trad fusion aux tendances progressives» mais ce serait confondre les gens sur leurs attentes. Je m’en tiens à dire que le Vent du Nord fait du neuf avec du vieux. Il n’a rien à envier aux autres genres musicaux et pourrait rejoindre des adeptes de tous horizons qui sauront tendre l’oreille. On pourrait faire un rave avec leurs ambiances instrumentales ou faire un cours d’histoire sur une de leur chanson. J’ai d’ailleurs apprécié entendre le récit des travailleurs du début du siècle dernier qui sont partis aux États-Unis faire fortune et qui n’y sont jamais revenus. Comme le disait Boulerice, «nous serions 14 millions de Québécois aujourd’hui». Mais on s’amuse aussi, et surtout, lorsqu’on entend, entre autre, l’histoire du coquin qui s’est déguisé en curé pour profiter des secrets de la confesse.

En témoignage de leurs rencontres d'outre-mer, un groupe de joueurs de cuivres français s’est joint aux membres du Vent du Nord vers la fin du spectacle le temps d’une chanson. Un beau témoignage de camaraderie pour cette belle soirée qui saurait profiter à tous et surtout à notre héritage culturel!

(article paru sur le site Montrealexpress.ca : http://www.montrealexpress.ca/article-423631-Le-Vent-du-Nord-en-concert.html)

mercredi 6 janvier 2010

Slam Jam Collectif

C'est mercredi, le 16 décembre dernier que se déroulait la deuxième édition du rassemblement multidisciplinaire intitulé Slam Jam Collectif à L'Escalier. Par un tel noroît, il valait mieux prendre foule plutôt que prendre grippe dans l'ambiance animée de ce café populaire du Quartier Latin.
D'emblée, je dois confier n'avoir pas mis les pieds dans ses lieux depuis des années. La dernière fois, l'endroit s'appelait le Café Ludique et on pouvait encore y griller des cigarettes. De beaux souvernirs, certes, mais qui se sont amalgamés au décor et à l'ambiance intemporelle des lieux. Je ne peux que souhaiter à cette institution bohème autant de popularité que le Tops de Tony Accurso, mais sans compromis.

Le slam, exercice poétique habituellement présenté sous forme de joute oratoire, est une appropriation incertaine des duels de rap, du spoken word et des poètes de la beat generation. Mais au Slam Jam Collectif, l'exercice se fait sans se gêner des mêmes règles que le SlaMontréal initié par Ivy, père de l'événement et fondateur de la Ligue Québecoise de Slam. Ici, le Slam se fait a cappela ou avec accompagnement musical, parfois en lecture de texte ou en production spontanée. Ce sont tous les acteurs de la scène littéraire habitant hors des murs de l'institution littéraire qui ont intérêt à se retrouver au Slam Jam Collectif, et ils sont les invités à le faire. Car rien n'empêche de vouloir prendre la scène pour clamer un poème. Il faut avoir tenté l'expérience pour comprendre qu'aucun théoricien socio-constructiviste ne pourra vous convaincre d'un meilleur modèle pédagogique pour donner le goût des mots dans toutes leurs interprétations sonores et linguistiques.

Pour l'occasion, DJ Charles Proulx a installé l'ambiance musicale et accompagna même certains slams. Le slammeur XavIer se chargea de présenter chaque participant, il portait en cette période de grande rencontre internationale à Coppenhague au Danemark un chandail de Greenpeace et s'est même permis un slam sur son engagement pour le végé. Il y eut aussi La Clocharde qui présenta une poésie accompagnée de la joueuse de vielle, Famke. J'ai aussi remarqué la présence de Myriam St-Denis qui s'est prêtée à une lecture de textes et nous nous sommes unanimement accrochés au slam de Grand Slaque sur les «jobs de marde».

Puis, en deuxième partie, le Slam Jam Collectif s'est déroulé à micro ouvert. Des lecteurs étaient venus pour l'occasion tenter l'expérience du micro qui, au risque de me répéter, est une véritable thérapie. Comme nous le fit remarquer un amateur, il fallait saluer l'ouverture à l'expression. On slammait sur la liberté de parole, sur le monde érigé en système, sur les humeurs de l'instant et parfois aussi, un confessionnal métaphorique. Je note au passage la poésie de Saïd la finesse de son expression. Beaucoup d'autres méritent d'être cités mais comme on se marche un peu sur les pieds à L'escalier, le nombre d'auditeur augmentant avec l'heure, on comprend un peu moins bien tout ce qui s'y dit. Et en quelque sorte, on s'en fout. À côté de moi, un bonhomme racontait une histoire en anglais à un employé ressemblant à celle de Benjamin Button. Pourquoi pas? On est là pour rigoler. Lorsque j'ai quitté l'endroit, un joueur de tam-tam s'en donnait à cœur joie : tout y était

(texte paru sur MontréalExpress.ca : http://montrealexpress.ca/article-413714-Slam-Jam-Collectif.html)