lundi 5 novembre 2012

Tout ça m'assassine: qui tue qui (ou quoi)?

Présentation des courtes pièces Confession d’un cassé de Pierre Lefebvre, La déroute de Dominic Champagne et des poèmes de Patrice Desbiens mis en scène par Dominic Champagne, interprétées Alexis Martin, Mario Saint-Amand, Normand D’Amour, Sylvain Marcel et Julie Castonguay et accompagnées des musiciens Éric Asswad et Charles Imbeau.


Le 16 octobre dernier, une offre spéciale de billets à moitié prix fut rendue disponible à l’occasion du jour de l’anniversaire de la déclaration des mesures de guerre. Mais y avait-il là quelque chose à célébrer?

La doctrine du choc


Quand on y pense, la loi de Trudeau aurait bien pu inspirer une telle pièce. La chape de plomb qui s’est abattue au mois d’octobre 1970 s’apparente à l’affaissement du projet national porté par René Lévesque lorsque celui-ci est mort le 1er novembre 1987.

Suivant le premier événement, le peuple écrasé par une campagne de peur. Après la mort de Lévesque, la béquille sur laquelle s’appuyaient les québécois pour épargner un tant soit peu leurs genoux écorchés s’est affaissée.

Après un tel choc, le système immunitaire de la collectivité s’est trouvée vulnérable à tous les vices politiques imaginables. C’est ce qu’explique Naomi Klein dans son essai La doctrine du choc.

Bien sûr, on s’en remet, mais on n’oublie pas de tels événements dans notre histoire collective.

Sur le site internet du Parti libéral du Québec, on vante le développement de la Baie James comme un exemple de bonne gouvernance vouée à l’économie bien qu’on y ait évacué les accointances avec le crime organisé.

Selon Liza Frulla, Bourassa plaisait à dire: «lorsque l’économie va bien, tout va bien». On ne se méfie jamais trop des chantres du «tout à l’économie». Ils ont galvaudé le sens de ce mot jusqu’à l’avoir vidé de son sens. Tiré du grec ancien, l’économie signifie pourtant l’«administration du foyer». 

L’auteur du Livre de la jungle Rudyard Kipling a dit qu’«on ne paiera jamais trop cher le privilège d’être son propre maître». Ce n’est pas sur un chantier de construction que s’administrera notre foyer qu’est le Québec, mais bien à l’Assemblée Nationale où l’intérêt supérieur de la nation dépasse le cadre strict d’un débat de comptabilité.

Souveraineté populaire


Il serait réducteur de croire que les pièces de Desbiens, Lefebvre et Champagne traitent de la vitalité du projet souverainiste québécois à proprement parler. C’est plutôt de la souveraineté populaire dont il est question.

L’événement théâtral Tout ça m’assassine a fait son bout de chemin dans les salles de théâtre depuis son inauguration il y a un an. On en a parlé abondement dans les médias étant donné la notoriété de Dominic Champagne.

Cette présence médiatique s’expliquait aussi par l’implication spontanée du metteur en scène contre la nouvelle lubie de l’industrie gazière qui prêchait en faveur de l’exploitation des gaz de schiste dans la vallée du St-Laurent malgré les réticences de la population.

Soir après soir, au plus fort de la polémique sur cette filière gazière, les journalistes s’entretenaient avec des gens qui faisaient l’expérience du caractère colonial de la loi sur les mines.

On peut gager que, s’il eut été encore vivant, René Lévesque n’aurait pas employé l’État contre l’intérêt populaire. Il se serait plutôt présenté au ministère des ressources naturelles à la première heure pour demander qu’on lui rende des comptes.
La majesté de Lévesque venait de sa confiance inaliénable envers le peuple. Il y avait une raison pour expliquer sa nature. Sa curiosité œuvrait à la comprendre, à la définir ainsi qu’à la défendre. C’est en ce sens qu’on pourrait dire sans honte que Lévesque était un conservateur.
L’intérêt supérieur du Québec n’avait de sens qu’incarné dans la culture populaire. Par conséquent, Lévesque jugeait que la tâche des démocrates était de renseigner le peuple sur ses propres intérêts.  Mais René Lévesque est mort le 1er novembre 1987. Cette année, cela fera 25 ans qu’il ne participe plus à notre aventure collective.

Le Québec me tue


L’histoire expliquera pourquoi Parizeau a précipité son départ autant que son référendum. Le passage de Landry a été trop bref. Oublions Bouchard. Cependant, comment expliquer les neuf années de Charest? Comment est-il possible que le Québec en ait été réduit à un état désintéressé, ignorant et servile?

Le lendemain du débat des chefs de 1994 entre Daniel Johnson et Jacques Parizeau, Le Devoir publie la lettre d’une étudiante intitulée Le Québec me tue. Elle y explique que «cet espoir [de la souveraineté du Québec] a longtemps été pour moi comme une promesse d'air pur, de renouveau. J'ai compris que rien ne changera, car les gens d'ici sont comme ça. Indécis. Et pas très fiers d'eux.»

Dans la pièce de Champagne, le poète de Desbiens incarné par Sylvain Marcel exprime une sclérose qui l’atteint sévèrement, comme si son propre verbe poétique l’asphyxiait. Il boit, fume et évacue toute la hargne qui pèse sur sa condition.

L’idée voulant que la Révolution Tranquille soit l’affaire exclusive des baby boomers persiste encore à ce jour. Pourtant, alors que leurs parents ont mis au pouvoir l’Équipe du Tonnerre, ce sont eux qui ont fait en sorte que survienne l’élection historique du 15 novembre 1976.

L’émergence de cette génération populeuse a vu naître un sentiment national nouveau. Hubert Aquin avait souhaité en quelque sorte que le Canada français meure afin qu’il provoque une renaissance salvatrice de son essence. Les boomers ne furent-ils pas les premiers à se définir comme des Québécois?

Comme le poète de Desbiens, agressé par son environnement et par les autres, les baby boomers ont été honnis par les X, puis par les Y. L’état social qui s’est construit pour servir le Québec est aujourd’hui accusé d’empoisonner la postérité.

L’économie d’abord, oui!


Force est de constater que le discours populiste orienté sur l’«économie» a le vent dans les voiles depuis les quinze dernières années. Cette impression a atteint son paroxysme lors de l’élection de 2008 où les libéraux ont fait campagne avec le slogan «l’économie d’abord, oui!».

 Le taux de participation anémique traduisait l’atteinte d’un nouveau sommet dans le cynisme populaire. Cela n’a pas gêné les libéraux qui ont profité de leur majorité parlementaire pour engager les démarches sur le dossier des gaz de schistes, le traité de libre-échange Canada-Union Européenne et son programme d’investissement massif dans les infrastructures.

C’était sans savoir qu’il y avait un ver dans la pomme du monde de la construction, quoi que cela n’a pas empêché le maire Tremblay de se faire réélire en 2009. Il serait toutefois intéressant d’entendre Naomi Klein à la commission Charbonneau expliquer de quelle façon la crise économique a servi les intérêts partisans des collecteurs de fonds politiques.

À l’instar du personnage d’Alexis Martin dans le Discours d’un cassé de Pierre Lefebvre, il se trouve parmi ces cyniques des gens qui se sont désincarnés de l’ordre social. Ils n’appartiennent plus qu’à eux-mêmes.

À défaut d’être rompus à la peur, ils s’abandonnent à une conception de la souveraineté proprement personnelle comme si chaque corps était un pays dans le nouvel ordre mondial néolibéral.

Vers un avenir incertain


Comment peut-on interpréter le dernier échange entre le personnage de Mario St-Amand et Normand d’Amour à la fin de la pièce La déroute de Dominic Champagne? Le premier, un suicidaire vivant sur du temps emprunté qui se désole de nos défaites, et le second, ragaillardi par les succès qui ont marqué notre chemin dans l’histoire, prennent la route pour participer à l’enterrement de René Lévesque, un voyage qui se transforme en aventure allégorique. Alors que l’un d’eux constate qu’il semble y avoir de la lumière devant eux au bout de la route, l’autre répond, énigmatique, «on dirait un labyrinthe».

Le mythe de Thésée dans le labyrinthe du minotaure confronte un découvreur désorienté et un être suintant la mort. De la sorte, Dominic Champagne prévoit deux destinés possibles au Québec.

Ou bien il persiste dans la voie tracée par les Champlain, d’Iberville, Papineau et Lévesque, ces héros dont le personnage de d’Amour relate les exploits. Des être inspirés et inspirants qui ne cèdent devant rien pour tracer la voie de l’expérience humaine.

Ou bien il cède, comme le craint le personnage de St-Amand, à l’atavisme. Le Québec se laisserait emporter par ses défaites, se refusant à tout espoir. On aurait très bien pu l’imaginer, lui ou le personnage d’Alexis Martin, chanter les dernières paroles de Dehors Novembre de Dédé Fortin: «j'attends un peu, chus pas pressé j'attends la mort».

De la même manière, René Lévesque résumait la situation ainsi : «une société, pas plus qu’une femme, ne peut demeurer indéfiniment enceinte : il faut qu’elle accouche ou qu’elle avorte.»

Après la mort de Lévesque, le Parti Québécois ne s’est pas effondré. Jacques Parizeau a donné un souffle nouveau au mouvement souverainiste en prenant soin d’entrainer avec lui les mouvements populaires. Si on peut blâmer son départ précipité après la défaite référendaire, souhaitons-nous de ne pas baisser les bras au nom de l’intérêt commun. Il sera toujours temps de renaître.  «Nous sommes renés», disait avec raison le personnage de Normand D’Amour, comme quoi la mort de Lévesque ne nous empêchait pas d’incarner nous-mêmes cette figure porteuse d’espoir.

lundi 8 octobre 2012

Lettre à Marie

Texte rédigé pour l'Aut'journal et disponible au:
 http://www.lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=4044

Lettre à Marie


La 5e édition du cabaret Des filles qui ont de la gueule, conçu et animé par Marie-Paule Grimaldi, présenté au Lion d’or le 27 septembre 2012 dans le cadre du Festival International  de la Littérature

Ce soir là au Lion d’or, il y avait plein de vélos attachés aux arbres et aux clôtures. La salle était bondée. C’était presque la pleine lune, à moins que celle-ci ne se soit arrondie spécialement pour toi Marie.

Nous nous connaissons depuis bientôt quinze ans. C'est tout de même incroyable et surtout remarquable, ne penses-tu pas? Il est remarquable qu’il se trouve des gens qui soient restés fidèles à nos folles ambitions depuis le Cégep du Vieux, là où nous avons fait connaissance toi et moi. Mais il y avait aussi Jocelyn, Martin, Caroline et Brigitte que j’ai revus aux Francos en 2009 lors de la première édition de ton spectacle et qui y assistaient (c’est le cas des gars) ou y participaient (c’est le cas des filles).

Tu n’en es pas à ta première animation de spectacle. Tu as fait beaucoup de chemin depuis le temps. Non seulement tu brilles par ta présence mais en plus tu as cette faculté particulière de faire rayonner les autres comme toi tu rayonnes. Imagine-toi donc que ta beauté est contagieuse. Par ailleurs, si j'ai droit à cette tribune, c'est grâce à toi. Merci pour le tuyau, je t'en dois une.

© Pierre Crépô

Cette meute de louves affamées que tu as rassemblée dans le cadre de cette édition du Festival international de littérature (FIL), elle était parfois meurtrie par les chagrins de l’espérance, mais jamais elle n’a cédé une part de sa dignité. Pour un gars, se disposer à entendre des voix féminines réunies devant le culte de la poésie n’est pas toujours évident. Je ne pouvais me départir de l’idée que j’étais dans la peau de Dwight dans le Sin City de Frank Miller, ce romantique parmi les Valkyries du vieux quartier de la ville.

Dwight est solidaire de la solidarité des femmes bien qu’il ait des airs d’un paternaliste un peu rabat-joie. Malgré tout, il exprime ce qu’un gars peut ressentir quand il se dit féministe : spectateur un peu bête et impuissant. Mais spectateur quand même d’une solidarité qui vaut la peine de prendre sa carte de membre.

Parmi celles qui étaient conviées à cette cérémonie, cette messe, ce pow wow, il y avait Geeta, à la voix puissante comme celle de Piaf, qui clamait l’attente de l’autre intensément. Puis il y avait Queen Ka, Claudine Vachon, Véronique Bachand et Catherine Cormier-Larose qui ont, elles aussi à leur façon, traité de l’inépuisable sujet de l’autre: ami ou amant. Jamais pleurnichardes de la condition amoureuse, mais jamais férocement indépendantes non plus. Elles étaient sensibles et actuelles.

Ton féminisme, Marie, il n’est pas chiant. Il est inclusif comme le Québec doit l’être de toutes les luttes qui y sont menées au nom des valeurs qui l’a fait naître. D’une part, tu cèdes la parole à qui le veut bien, fille ou garçon, lors d’une séance de micro ouvert. D’autre part, tu n’encadres pas le discours de tes Valkyries dans une esthétique particulière. Tu les laisses prendre le discours affranchi qui se doit d’être. Je pense au texte surprenant et dérisoire d’Annick Lefèvre qui s’inscrivait en rupture avec nos tabous sur l’ethnicité et la pauvreté.

L’actualité nous réservait, cette journée-là, les niaiseries habituelles, que ce soit de Gérald Tremblay qui nous prenait toujours pour des valises d’après les révélations entendues à la Commission Charbonneau ou de Nétanyahou qui faisait le con avec sa ligne rouge à l’ONU. Mais il y avait aussi Gabriel Nadeau-Dubois qui entamait le procès bidon pour lequel il est accusé. Lorsque Louise Bombardier a lu son texte sur le printemps érable, je me suis dit que certaines plaies de la lutte étudiante sont toujours vives.

Que dire de Rona Ambrose, le vampire de l’ouest, qui s’est levée dans la House of Commons pour appuyer la reconnaissance du fœtus comme être humain. Malheureusement, ce n’était pas la première fois, ni la dernière, qu’on entend un vote libre sur la question. Heureusement, il y a moyen d’espérer que cela cesse. Christine Germain nous rappelait que le «plus meilleur pays au monde» ne sera confortable que lorsque nous n’y serons plus.

C’est notre créativité qui a soufflé sur les braises de la révolte, «tous les soirs jusqu’à la victoire», lors de ce long printemps. Nous avons vaincu le cynisme car nous sommes de l'école des rêveurs. Alexis Martin disait à l'émission Voir diffusé à Télé-Québec que le rêve est important pour une société, car c’est un moyen de survie.

Car il faut survivre aux disparus. Chef de meute, tu as permis à d’autres d’hurler à cette lune presque pleine leurs rêves afin qu’il reste quelque chose de nos rêves. Il en restera bien certainement le souvenir endeuillé d’Ève Cournoyer qu’Isabelle St-Pierre et toi avez réservé à votre façon dans un hommage ressenti. Nous non plus ne l’oublierons pas.

mardi 7 août 2012

Retour sur la vague orange

Voici un texte qui m'a profondément irrité ce matin: Vague orange pour l'indépendance. L'auteur prétend sans nuance que les indépendantistes ont voté de plein pied orange pour rompre avec la «vieille politique». Enfin, vous voyez un peu le portrait: il faut faire la politique «autrement». Visiblement, l'auteur de ce texte se soucie bien peu des détails et je me permets de l'accuser de tourner les coins ronds.
Lors de la campagne de 2011, le NPD a fait une campagne distincte au Québec. Sans équipe sur le terrain, il a misé sur des boîtes téléphoniques électroniques et une campagne centrée sur le chef Layton pour attirer le vote Québécois. Une campagne à l'américaine à la façon de la présidentielle d'Obama comme stratégie de campagne. Oui, stratégie de campagne faisant croire qu'un vote pour le poteau du coin, c'est un vote pour Layton.

Le vote orange, un vote progressiste? Oui, peut-être est-ce la cas pour un Canadien qui croit au système fédéral. Mais ce n'est certainement pas un vote respectueux des valeurs du Québec comme nation et garante de ses champs de compétence dans le pacte confédérationnel. Car voyez-vous, le programme du NPD que peu de gens se sont donnés la peine de lire faisait grand cas de transposer le génie québécois sur la scène fédérale. On parlait entre autres de miser sur l'éducation et notre système de garderies publiques. La politique au fédéral se fait presque toujours sur le dos des gouvernements provinciaux. Une bonne façon d'agir en sauveur et de se montrer utile. On promet de faire des choses que les provinces auraient pu faire par elles-mêmes au nom du «bien commun» et des «valeurs sociales». Ils appellent ça le progressisme, j'appelle ça du paternalisme.

Les compétences fédérales sont bien peu intéressantes en campagne électorale. L'armée, le code criminel, les institutions internationales... Ça fait longtemps que les partis de la scène fédérale pigent dans les compétences provinciales pour se faire du capital politique. Et le NPD s'inscrit dans cette façon de faire, peu importe son vœu de faire la «politique autrement». C'est pour ça que j'ai toujours trouvé le Bloc plus honnête politiquement, surtout depuis l'arrivée de Daniel Paillé. Nul besoin de dire qui j'ai toujours appuyé lors des élections fédérales.

Par ailleurs, laissez-moi rappeler à l'auteur que le quart des québécois ont voté Bloc lors du 2 mai 2011. Et parmi ceux qui ont voté orange, combien votaient habituellement libéral? Donc, un vote orange, un vote indépendantiste? Faut pas me prendre pour un con. Tourner les coins ronds, quel argument facile!

"Notre programme est un programme fédéraliste, et ils l'ont signé" - Jack Layton, 6 mai 2011, affirmant que tout ses voteurs vont défendre le Canada. http://tvanouvelles.ca/video/934392761001/jack-layton-defend-ruth-ellen-brosseau/








Mise à jour 8 août 2012:

Je pourrais analyser longtemps cette vague orange. Ses raisons sont multiples mais elles se résument à un alignement des astres providentiel pour ce parti politique qui laissait, auparavant, tout le monde indifférent. À l'élection de 2008, l'enjeu était de bloquer la majorité d'Harper, chose qu'a fait le Québec en appuyant suffisamment le Bloc Québécois. En 2011, l'enjeu était le même. Mais il est apparu en trame de fond cette bonne vieille fatigue culturelle Québécoise qui fait date. Celle-ci a fait en sorte d'accuser la formation majoritaire au Québec de maintenir le climat de résistance qui sévissait depuis 2006, année où les Conservateurs ont pris le pouvoir avec un gouvernement minoritaire.

Le 2 mai 2011, il s'est passé que des électeurs avides de la «politique autrement» (peu importe ce que ça veut dire) ont voulu renverser le parti majoritaire au Québec, le Bloc. On pourrait même ajouter qu'ils ont été inspiré par un curieux sondage paru dans le premier tiers de la campagne qui a semé le doute sur cette campagne qui s'annonçait sans histoire. Puis, tout le monde s'est mis à reprendre le discours des partis fédéralistes à l'effet que le «Bloc ne prendrait jamais le pouvoir» et que, par conséquent, il n'apportait rien de concret à notre quotidien. C'était évidemment faire peu de cas du travail qu'ont fait les députés sur le terrain et au parlement. C'était faire fi de leurs enquêtes, de leurs revendications et ce que fondamentalement il représentait pour le Reste du Canada: un caillou dans la chaussure (analogie inversée inspirée de Jean-Martin Aussant).

Finalement, devrais-je blâmer les électeurs pour leur choix électoral? Personnellement, comme tout le monde, je porte si peu d'attention à la scène fédérale que je n'en fais pas grand cas. Cependant, quand je vois la feuille d'érable orange sur le local de mon député, la blessure en est une d'orgueil.

dimanche 17 juin 2012

Raisonner Renaud-Bray sur le carré rouge

Je sollicite votre soutien en tant que délégué syndical des employés de la succursale Champigny-St-Denis de Renaud-Bray. Suite à une plainte reçue dans notre succursale, et à quelques autres cas isolés survenus dans d'autres succursales, l'entreprise entend réprimer sévèrement (j'entends par là: suspension sans salaire) et arbitrairement l'affichage de signes référant au conflit étudiant actuel. J'ai demandé ce que constituait un «carré rouge», coller un post-it sur son chandail y faisant référence est tout aussi répréhensible. Vous avez bien lu.

Certains diront qu'il est normal dans une entreprise de service d'afficher une certaine neutralité. À cela je réponds deux choses:

  1. Les employés qui, comme moi, ne travaillent pas sur le plancher de service sont soumis au même traitement.
  2. Plusieurs entreprises culturelles tolèrent la présence d'un carré rouge sur le vêtement de leurs employés comme le Théâtre d'Aujourd'hui et les Francofolies. Parce que, d'une part, les artistes supportent la cause et, d'autre part, la majorité de leurs employés sont, comme chez Renaud-Bray, des étudiants. J'ajoute que la Société des alcools du Québec, qui relève pourtant du gouvernement, laisse ses employés tranquilles.
Je dénonce le traitement excessif que doivent subir les employés. Le carré rouge, ce n'est pas une croix gammée, c'est le symbole d'un soutien moral, d'un engagement social (et non de politique partisane, comme l'a rappelé le Directeur Général des Élections). La direction de la succursale m'a expliqué que le symbole était controversé, or, cette controverse est le fruit du parti politique au pouvoir, le Parti Libéral du Québec et d'une presse réactionnaire pour des fins clientélistes.

Je demande donc aux citoyens, aux clients, aux anciens employés et aux artistes de faire valoir votre opinion sur le site internet de l'entreprise ou même de déposer une plainte formelle et écrite dans une succursale. Puisqu'une poignée de plaignant ont conduit à ce traitement radical de l'entreprise envers ses employés, j'ai gagé avec mon employeur qu'une centaine, voire un millier de plaignants les amèneraient à revenir sur leur décision.

M'aiderez-vous?

Mise à jour du 18 juin:

Renaud-Bray a  émis un communiqué dont je reproduis intégralement le contenu ici:

Montréal, le 18 juin 2012.



En réponse aux nombreux commentaires des dernières heures, nous souhaitons corriger certains faits et revenir sur les arguments faux et non fondés qui ont circulé dans les réseaux sociaux. Depuis sa fondation il y a plus de 45 ans, Renaud-Bray a toujours été un lieu de culture et d’échanges : la chaîne a toujours affiché son ouverture culturelle et idéologique, et favorise encore aujourd’hui la diffusion de tous les contenus.


 

Contrairement à ce qui a été affirmé, il n’y a eu aucun cas de suspension d’employé suite au port d’un insigne révélant une quelconque appartenance politique ou idéologique en succursale.

Avec l’essor du mouvement de protestation contre la hausse des frais de scolarité, un rappel de la politique d’entreprise a été acheminé aux succursales, mentionnant que Renaud-Bray « s’attend à ce que ses employés demeurent neutres lorsqu’ils sont en fonction, en évitant d’arborer un quelconque signe distinctif en support à une cause ou une autre ». Cette politique a été adoptée en 2005, et se conforme à la vaste majorité des pratiques adoptées dans le commerce de détail.


La direction de Renaud-Bray

Mon rôle de délégué syndical à la succursale Champigny-St-Denis est de défendre les intérêts de mes collègues. Cependant, les règles du jeu en matière de relation de travail me contraignent de ne pas négocier sur la place publique. C'est pourquoi je limite mon intervention à un appel à un soutien du public pour renverser la décision de l'entreprise. Je ne sollicite ni supporte aucun appel au boycott. Je tiens toutefois à dire ceci: la véritable neutralité, c'est l'indifférence face à un phénomène donné.
 NEUTRALITÉ n.f. Caractère, état d'une personne qui reste neutre. =>abstention. rester dans la neutralité. Neutralité de qqn envers, à l'égard de qqn, qqch., dans un conflit. =>laisser-faire.
(source: Petit Robert)

Mise à jour du 5 juillet 2012: Ce billet a été lu par plus de dix milles personnes. Beaucoup de plaintes ont été déposées. Plutôt que de réviser sa position, l'entreprise a préféré tirer sur le messager. Cela m'a valu une suspension de 3 jours. Dommage pour eux.

mardi 12 juin 2012

Lise Proulx annonce-t-elle la date des prochaines élections?

Lise Proulx, candidate défaite du PLQ dans Argenteuil. Pour elle, l'élection partielle dans Argenteuil et Lafontaine, c'était seulement pour un mois et demi de mandat.

1) Les libéraux ont-ils vraiment planifié la date de la prochaine élection générale, soit à la fin de l'été?

2) Si c'est le cas, Charest a parié sur les élections dans ses forteresses pour, d'une part, repousser la question lancinante de la date des élections et, d'autre part, tenter de noyer le poisson du mouvement de contestation.

Bref, le parti politique au pouvoir utilise une fois de plus les manettes du gouvernement pour acheter sa survie électorale. Combien d'argent Québec sortira-t-il de son coffre pour contribuer à perpétrer sa propre érosion?

dimanche 6 mai 2012

Tout ça pour ça?

Ce matin à la Première Chaîne (SRC), la ministre Courchesne qui participait à la table de négociation avec les chefs syndicaux et associations étudiantes a avoué candidement que la nouvelle offre gouvernementale se limitait à un retrait de la facture étudiante de 127$. Oui, seulement 127$ et à condition qu'un comité spécial (non-paritaire) parvienne à trouver une économie d'échelle dans la structure administrative des institutions d'enseignement. La hausse de 1625$ sur 5 ans (ou 1778$ sur 7 ans), elle, reste en piste.

Puis, la ministre a ajouté qu'il y avait désir d'une solution gagnant-gagnant entre étudiants et gouvernement. Gagnant comment? Les étudiants réclamaient le maintient (relatif) de l'accessibilité aux études tandis que le gouvernement réclamait l'application du principe idéologique de la «juste part». Bref, l'offre serait-elle équitable? À mon sens, il aurait été honnête intellectuellement de soumettre un moratoire de 6 mois sur cette décision gouvernementale et de soumettre aux électeurs le choix de l'avenir intellectuel du Québec. Cela suppose de déclencher des élections imminentes.

Bon, il y a des points négatifs à cette alternative. Bien entendu, une campagne électorale peut aller dans tous les sens. Il s'agit, après tout, d'un festival médiatique d'un mois. Il ne faut surtout pas oublier l'usure du pouvoir, les mesures régressives, l'attaque directe à la Charte de la langue française (loi 103), le Plan Nord, les gaz de schiste, le scandale des garderies, l'accord de libre-échange Canada-Union Européenne, la «réforme culturelle» de Bachand, la complicité fédéraste et, bien sûr, la corruption institutionnalisée. Si la voie électorale devait être prise, il faudra que les étudiants s'arment doublement pour faire sortir le vote, quel qu'il soit, car le Parti Libéral qui carbure électoralement au cynisme politique qui engendre l'abstention des électeurs ne survivrait certainement pas. Doublement car il leur faudra voter, d'une part, et d'autre part croire qu'un autre Québec est possible. Il est presque difficile de croire, après 9 ans de gouvernement libéral, que cela n'est pas qu'une lubie.

D'ici là, il n'y a pas de quoi en faire un plat. 12 semaines de grève pour peut-être 125$ de réduction sur la facture étudiante? Vous voulez rire?

vendredi 13 avril 2012

Régression culturelle

Le gouvernement actualise ses griefs envers les étudiants mobilisés comme l'action démocratique du Québec magasinait son programme de parti dans les pages du Journal de Montréal. Nous avons pourtant tous déjà vu ces mêmes élus «rassembler» des élites intéressées pour réfléchir et poser des conclusions permettant de faire avancer le Québec. Je pense au comité consultatif de Raymond Bachand qui a mis sur pied sa «révolution culturelle». Lui-même a parlé de ces discussions autour du budget de 2010-2011 comme une façon de préparer la population à l'inévitable détermination de ce gouvernement. En sommes, et peut-être M. Bachand l'a-t-il déjà reconnu lui-même candidement, il s'agissait d'une propagande bien planifiée pour conditionner les masses. Et merci à certains médias tendancieux qui ont pris le relais. Certains, pas tous, car il se trouve encore des journalistes capables de s'indigner. Et je les en remercie.

Bref, il est dommage qu'on porte en définitive autant d'attention à un individu qui va plaider le droit à l'individualité en court alors que 200 000 carrés rouges se sont rassemblés pour faire valoir la force du nombre sous l'égide d'un slogan vieux de 60 jours.


Mais je tiens à marquer ma sympathie pour ceux qui s'indignent depuis 60 jours. Je remercie ceux qui marchent pour moi. Moi, je suis paralysé dans un goulot d'étranglement. Moi, je suis un exemple des défauts de ce système de financement d'étude. Trop souvent, j'ai dû choisir entre la quittance et la performance scolaire. J'ai tenté en vain de combiner études à temps plein et travail à temps plein. Aujourd'hui, j'entretiens une relation vicieuse à un système de prêt qui ne profite finalement qu'à une institution financière. Demain encore, je serai le pain et le beurre de ce système qui se nourrira de ma pitance. Et elle a intérêt à me garder à son crochet longtemps.