vendredi 12 novembre 2010

Les mots pour le dire



Voici l'extrait d'un article troublant que j'ai trouvé dans la dernière édition du magazine Trente (novembre 2010). Pour André Noël de La Presse, s'il ne peut mettre sous presse l'existence d'un lien entre le Parti Libéral et la mafia montréalaise, c'est que les avocats du journal ne peuvent garantir que la nature de ses sources anonymes soient crédible, même si elles sont de la police. Que leur faudra-t-il de plus?


Le travail des journalistes d'enquête est un véritable chemin de croix dans les officines du milieu judiciaire. La somme des mises en demeure devient insupportablement étouffante. La vérité a son prix et les médias, comme véhicule de l'information, doivent niveler ce devoir sociétal avec leurs intérêts économiques. Que faire lorsque les entreprises médiatiques ont des intérêts économiques liées avec les dossiers litigieux?


À l'Assemblée Nationale, les libéraux se défendent d'agir dans la légalité. En d'autres mots, leur philosophie d'action est: «tant que ce n'est pas illégal, c'est légal» ou «est légal ce qui n'est pas illégal.» Simple, non? Mais bien des gens plaident depuis longtemps la corruption étatique. Les soupçons deviennent lourds à penser. Comment expliquer le brassage des cartes dans la direction de la mafia de Montréal, l'implication du milieu criminel dans la milieu de la construction et l'«investissement» de 40 milliards par le gouvernement libéral dans le secteur de la construction afin de stimuler «l'économie»? En 2008, le Premier Ministre Charest a scandé les valeurs de l'économie comme programme électoral. De plus en plus, on semble se rendre compte que cette élection précipitée ne semblait avoir été mise en place que pour légitimer l'institutionnalisation d'une corruption étatique.

Pour les détracteurs du Parti Libéral, à la lumière des récentes révélations, la foi en cette corruption politique cogite dans leur imaginaire. Bientôt, comme un poème en état de formulation, ils pourront l'écrire en toute pièce, en toute légitimité et en tout légalité dire : «Le Parti Libéral est corrompu.» Aucun avocat ni aucun tribunal ne pourra alors les faire taire.

vendredi 5 novembre 2010

La leçon de Nelson Mandela

Ça m'a sauté aux yeux. Le hasard fait bien les choses. Je visionné hier soir le film Invictus de Clint Eastwood et plus tôt cette cette semaine, je me suis déplacé pour voir Incendies de Denis Villeneuve. Dans les deux cas, un des thèmes centraux est qu'il faut rompre avec les cycles de haine.


Incendies

Dans le film de Villeneuve, calqué sur la trilogie de Thèbes de Sophocle (Œdipe-roi, Antigone et Œdipe à Colone), le récit se veut une œuvre rédemptrice sur le plan filial mais significative au niveau national. L'histoire d'Œdipe, c'est la fatalité d'un cycle familial condamné à une destiné tragique: Laos, avec la complicité de Jocaste, condamne leur enfant Œdipe à la mort en craignant que ce dernier soit destiné à le renverser. Ce destin lui échappant, il tue son père dans une rencontre fortuite, et le succède sur le trône en épousant la veuve. Lorsqu'il comprendra qu'il a tué son propre père et épousé sa mère, Œdipe se crève les yeux et fuit le royaume et sa mère s'enlève la vie. Les enfants d'Œdipe et de Jocaste vivent à leur tour les répercussions maudites de cette triste lignée alors que les deux frères Polynice et Étérocle s'entretuent à propos de l'héritage du royaume. Il incombera à leur sœur Antigone de braver les lois afin d'offrir guidance et sépulture aux défunts. Sur Antigone repose l'amnistie de ce destin tragique et c'est grâce à elle que l'âme de son père et de ses frères seront en paix.

À la lumière de ce mythe grec, la compréhension du film Incendies est décuplée. Il ne suffit qu'à remplacer les noms et les lieux. On y conçoit également comment la perspective nationale des conflits du moyen orients sont rapportés à un niveau significatif de l'ordre familial et filial.


Invictus

Dans cet extrait du film de Eastwood, Nelson Mandela donne une leçon à son peuple sur la rupture des élans rancuniers qui peuvent s'instituer dans la tradition. Car la ségrégation raciale au profit de la minorité afrikaner ne doit pas simplement se résoudre par un renversement du modèle de l'apartheid. Il faut plutôt rompre avec les cycles de haine. Pour unifier l'Afrique du Sud, Mandela utilise un symbole identitaire, l'équipe de rugby afrikaner les Sprinboks, pour en faire une véritable ligue nationale. La victoire de cette épique à la Coupe du monde sera significative sur le plan de la réconciliation nationale.


Au Québec

L'histoire récente du Québec connaît cette tentation du renversement. En 1981, les militants du Parti Québécois adoptent une proposition visant à abolir les institutions anglaises sur le territoire québécois (et consentent la légitimité d'une action vers la souveraineté politique avec une majorité favorables de députés. En somme, un gouvernement indépendantiste majoritaire aurait pu entamer le processus d'accès à la souveraineté de l'État du Québec jusqu'à ce qu'il en arrive à une déclaration unilatérale d'indépendance. Les militants voulaient donc renouer avec les prémisses de leur parti). Mais René Lévesque n'a jamais cru qu'il fallait faire endurer la minorité anglophone le traitement reçu par les minorités francophones dans le reste du Canada, et parfois même au Québec. Il impose donc le statu quo à ses militants en mettant son siège en jeu. On appellera cet épisode le «Renérendum» (voir les archives de Radio-Canada sur cet épisode).

Aujourd'hui encore, le sort des institutions anglophones est remis en question. Bien qu'économiquement viable grâce à l'appui du gouvernement fédéral ainsi que par de généreux donateurs privés, leur sort est constamment considéré. Que l'université McGill soit reconnu mondialement est une bonne chose, qu'elle participe à l'anglicisation du Québec l'est moins. Mais faut-il réagir pour autant contre elle? Que dire maintenant du MUHC, le méga-centre hospitalier de l'université McGill qui sera probablement mis en place avant même que le CHUM prenne forme? Contrairement à la situation de Mandela en 1995, il n'y avait pas de frontière linguistique à franchir dans le sort de réconciliation des peuples. On pourrait même dire que les sud-africains se sont tous mis à l'anglais par esprit de convenance.

Les différentes situations socio-politiques ne ressemblent aucunement car nos Glorieux du Canadiens de Montréal constituent déjà un objet de fierté nationale, mais comme je l'ai déjà évoqué dans un billet précédent, l'image qu'ils projettent constituent de plus en plus pour les Québécois un symbole d'asservissement au projet canadien. Paradoxalement, les Springboks de l'Afrique du Sud était un équipe issue la minorité colonisatrice alors que l'héritage des Canadiens de Montréal vient de la majorité colonisée. Sommes-nous trop conciliant face à la situation actuelle? Je n'ai pas la réponse à cette question mais il serait improductif de croire que le désir de conciliation et de cohabitation doive sublimer la filiation d'un projet national décomplexé.

Dans ce cas, pourquoi ne pas concevoir des projets unificateurs? La coalition contre la construction de deux méga-hôpitaux proposait la construction d'un seul Méga-CHU qui aurait pu accueillir les chercheurs de McGill et de l'Université de Montréal. De plus, plutôt que de tripoter la loi 101 pour accommoder la minorité anglophone historique, pourquoi ne pas plancher des écoles ouvertes aux minorités, quelles soient anglophones, algonquines ou innus, avec des salles de classes spécifiques à leurs besoins?

Voilà un questionnement qui ne relève pas du calcul comptable. Celui qui osera s'en emparer ne fera pas un travail politique, mais bien messianique.