lundi 7 décembre 2009

Saturne dévorant son fils


Allons, si vous insistez à parler de l'intégrité des élus, le premier ministre va vous accuser de jouer dans les vidanges de la politique, dans la politique sale, dans le vulgaire.

Vous n'avez plus le droit de remettre en questions l'intégrité de nos chers élus, parce qu'ils sont élus! Et c'est donc la population qui est garante de choisir ceux qui nous gouverne. C'est bien mépriser le sens démocrate de la population que d'avoir choisi Jean D'Amour plutôt que Paul Crête, pourtant reconnu à Ottawa pour son ardeur au travail, tous partis fédéralistes confondus. Non, la démocratie au sens du Parti Libéral du Québec, c'est la dictature de la majorité.

Malheureusement, le Québec n'est pas différent du Rest of Canada (ROC) en ce qui a trait de l'importance qu'il accorde à l'intégrité versus la partisanerie. Je dis ça parce que les Conservateurs à Ottawa emploient de plus en plus cette ligne politique nourrie par les stratèges républicains américains (With us or against us; if you're against us, you're a communist/terrorist/socialist/taliban).

Qu'en est-il ici? Qui se souvient des déclarations de Sam Hamad qui avait retiré la subvention gouvernementale au Moulin à Paroles? Il avait bien spécifié que le gouvernement se dissociait des activités commémoratives. Que ce soit l'exalté Régis Lebeaume qui ne voulait pas être associé à Patrick Bourgeois du Réseau de Résistance du Québécois (RRQ), de Josée Verner au nom des Conservateurs, de Denis Coderre au nom du Parti Libéral du Canada ou de Sam Hamad, non pas au nom du Parti Libéral du Québec mais bien au nom du gouvernement (une condamnation institutionnelle), on tenait à se dissocier des méchants séparatistes. Et après ça, on entend Jean Charest, citant un article du Devoir évoquant un discours de Jacques Parizeau, s'exclamer que le Parti Québécois veut diviser les Québécois!

Ici, de plus en plus, on s'adapte à cette culture de bassesse. On choisit peu à peu la résignation et on accepte de laisser la machine nous avaler. On se laisse séduire par la dichotomie choisie par le parti au pouvoir : vous voulez parler d'économie ou vous voulez choisir le salissage partisan. Si le citoyen ne veut pas choisir de camp, la recherche de vérité devenant trop complexe, il dénonce «les chicanes des vieux partis» avant de prendre son trou. Il s'écrase et bien souvent il chiale. Il choisit le statu quo, ce qui est bien là l'adage du conservatisme.

On oublie trop souvent que Jean Charest est d'abord de l'école politique conservatrice (le Parti Progressiste-Conservateur). Un parti politique, c'est d'abord et avant tout un groupe d'intérêt et une culture politique. Mais lorsque Charest a sauté la clôture pour aller chez les libéraux, est-il devenu un nationaliste bourassien pour autant? Le passage de Charest chez libéraux me rappelle le geste de Belinda Stronach en mai 2005 où elle est passée de Conservatrice (PCC) à Libérale (PLC) pour sauver les fesses à Paul Martin. Avec un an d'expérience de parlementarisme, Mme. Stronach s'était même vue offrir un ministère! De quelle culture politique parle-t-on dans ces deux cas? (Quoi? J'ai parlé de «culture»?)

Qu'y a-t-il de commun entre Charest et Stronach? La théorie du pont d'or. La chose était claire pour Stronach, mais pour Charest, on pense encore que le 75 000$ qu'il reçoit annuellement par son parti n'est qu'une commodité. Or, ce montant supplémentaire équivaut à 5 fois ce que gagne un travailleur qui se maintient au seuil de la pauvreté (évalué à environ 15 000$). Pour l'intégrité et le sens de l'État, on repassera.

Néanmoins, le plus triste demeure encore la révolte tranquille du Québec. Un peu trop engraissé de malbouffe télévisuelle ou de mauvaise foi journalistique. À voir des citoyen répéter les excuses du gouvernement qui juge inutile la commission d'enquête sur l'industrie de la construction, la toile de Goya «Saturne dévorant son fils» prend tout son sens. Goya avait peint cette toile pour dénoncer le peuple espagnol qui applaudissait un État qui faisait de la répression contre lui.

Maudite machine!

Avec raison, Fred Pellerin avait expliqué lors d'une entrevue que la culture, ce n'est pas le nombre de CD que tu achètes, ou le nombre de shows que tu vas voir. C'est toi et moi, quand on se parle, qu'est-ce qu'on se dit? J'ai parlé de la culture du sautage de clotûre entre les partis et la culture citoyenne du statu quo.

Avant de parler d'investir en culture, il faudrait savoir de quelle culture on parle.

(j'affiche plus bas un extrait du film Elvis Gratton II où Falardeau et Poulin discutent de la fin à donner à leur film, scène très importante qui permet de soulever le second degré fondamental au mythe de Gratton. Falardeau y évoque la raison politique qui a mené Goya à peindre sa toile)