Texte rédigé pour l'Aut'journal et disponible au:
http://www.lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=4044
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Lettre à Marie
La 5e édition du cabaret Des
filles qui ont de la gueule, conçu et animé par Marie-Paule Grimaldi,
présenté au Lion d’or le 27 septembre 2012 dans le cadre du Festival
International de la Littérature
Ce soir là au Lion d’or, il y avait plein de vélos attachés
aux arbres et aux clôtures. La salle était bondée. C’était presque la pleine
lune, à moins que celle-ci ne se soit arrondie spécialement pour toi Marie.
Nous nous connaissons depuis bientôt quinze ans. C'est tout
de même incroyable et surtout remarquable, ne penses-tu pas? Il est remarquable
qu’il se trouve des gens qui soient restés fidèles à nos folles ambitions depuis
le Cégep du Vieux, là où nous avons fait connaissance toi et moi. Mais il y
avait aussi Jocelyn, Martin, Caroline et Brigitte que j’ai revus aux Francos en
2009 lors de la première édition de ton spectacle et qui y assistaient (c’est
le cas des gars) ou y participaient (c’est le cas des filles).
Tu n’en es pas à ta première animation de spectacle. Tu as
fait beaucoup de chemin depuis le temps. Non seulement tu brilles par ta
présence mais en plus tu as cette faculté particulière de faire rayonner les
autres comme toi tu rayonnes. Imagine-toi donc que ta beauté est contagieuse.
Par ailleurs, si j'ai droit à cette tribune, c'est grâce à toi. Merci pour le
tuyau, je t'en dois une.
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© Pierre Crépô |
Dwight est solidaire de la solidarité des femmes bien qu’il
ait des airs d’un paternaliste un peu rabat-joie. Malgré tout, il exprime ce
qu’un gars peut ressentir quand il se dit féministe : spectateur un peu
bête et impuissant. Mais spectateur quand même d’une solidarité qui vaut la
peine de prendre sa carte de membre.
Parmi celles qui étaient conviées à cette cérémonie, cette
messe, ce pow wow, il y avait Geeta, à la voix puissante comme celle de Piaf,
qui clamait l’attente de l’autre intensément. Puis il y avait Queen Ka, Claudine
Vachon, Véronique Bachand et Catherine Cormier-Larose qui ont, elles aussi à
leur façon, traité de l’inépuisable sujet de l’autre: ami ou amant. Jamais
pleurnichardes de la condition amoureuse, mais jamais férocement indépendantes
non plus. Elles étaient sensibles et actuelles.
Ton féminisme, Marie, il n’est pas chiant. Il est inclusif
comme le Québec doit l’être de toutes les luttes qui y sont menées au nom des
valeurs qui l’a fait naître. D’une part, tu cèdes la parole à qui le veut bien,
fille ou garçon, lors d’une séance de micro ouvert. D’autre part, tu n’encadres
pas le discours de tes Valkyries dans une esthétique particulière. Tu les
laisses prendre le discours affranchi qui se doit d’être. Je pense au texte
surprenant et dérisoire d’Annick Lefèvre qui s’inscrivait en rupture avec nos
tabous sur l’ethnicité et la pauvreté.
L’actualité nous réservait, cette journée-là, les
niaiseries habituelles, que ce soit de Gérald Tremblay qui nous prenait
toujours pour des valises d’après les révélations entendues à la Commission
Charbonneau ou de Nétanyahou qui faisait le con avec sa ligne rouge à l’ONU.
Mais il y avait aussi Gabriel Nadeau-Dubois qui entamait le procès bidon pour
lequel il est accusé. Lorsque Louise Bombardier a lu son texte sur le printemps
érable, je me suis dit que certaines plaies de la lutte étudiante sont toujours
vives.
Que dire de Rona Ambrose, le vampire de l’ouest, qui s’est
levée dans la House of Commons pour appuyer la reconnaissance du fœtus comme
être humain. Malheureusement, ce n’était pas la première fois, ni la dernière,
qu’on entend un vote libre sur la question. Heureusement, il y a moyen
d’espérer que cela cesse. Christine Germain nous rappelait que le «plus
meilleur pays au monde» ne sera confortable que lorsque nous n’y serons plus.
C’est notre créativité qui a soufflé sur les braises de la
révolte, «tous les soirs jusqu’à la victoire», lors de ce long printemps. Nous
avons vaincu le cynisme car nous sommes de l'école des rêveurs. Alexis Martin
disait à l'émission Voir diffusé à Télé-Québec que le rêve est important pour
une société, car c’est un moyen de survie.
Car il faut survivre aux disparus. Chef de meute, tu as
permis à d’autres d’hurler à cette lune presque pleine leurs rêves afin qu’il
reste quelque chose de nos rêves. Il en restera bien certainement le souvenir
endeuillé d’Ève Cournoyer qu’Isabelle St-Pierre et toi avez réservé à votre
façon dans un hommage ressenti. Nous non plus ne l’oublierons pas.